Mort d'Alain Delon : à Douchy et devant la propriété loirétaine de l'acteur, des réactions entre curiosité et émotion

Alain Delon, âgé de 88 ans, s'est éteint "très tôt au milieu de la nuit", dans sa propriété de Douchy-Montcorbon (Loiret), ont annoncé ses trois enfants dans un communiqué, ce dimanche 18 août.

Alain Delon disait vouloir être enterré à Douchy, avec ses chiens

Malgré un message de la famille, priant le public "de bien vouloir respecter son intimité, dans ce moment de deuil extrêmement douloureux", quelques dizaines de personnes se sont déplacées devant la propriété de l'acteur, dès 9h30. Quinze gendarmes ont été dépêchés pour sécuriser les lieux. Ils ont fermé la route D35, en direction de Chuelles.

Aux alentours de la demeure, des automobilistes ralentissent, intrigués par cet attroupement. Certains stationnent leurs véhicules et prennent quelques minutes pour se recueillir.

Des habitants du village, ou d'autres personnes venues de plus loin dans le département, ont aussi souhaité déposer des fleurs devant la propriété de la star. Des journalistes sont également présents et nombreux, devant la maison comme dans le village.

Thierry, accordéoniste, habite à Courtenay. Il dit avoir rencontré Alain Delon il y a 25 ans, lorsqu’il travaillait sur des plateaux de jeux télévisés. Ils ont discuté et Alain Delon lui aurait demandé, si un jour, il n'était plus là, de venir jouer Borsalino devant la porte de son domaine. Mais Thierry confie : "Je n’aurais jamais pensé le faire réellement".

Thierry, accordéoniste, est venu de Courtenay pour jouer Borsalino devant le portail du domaine d'Alain Delon.

Alain Delon, une légende du cinéma français en dix films cultes

Thibault, lui, a fait le déplacement depuis Sens, dans l’Yonne pour se recueillir devant la dernière demeure d'Alain Delon. En début d'après-midi, il explique : "Dès qu’on a appris la nouvelle, on a pris la route. C’était un monument du cinéma français. On se devait d’être là pour lui rendre hommage."

À quelques kilomètres de là, dans le village de Douchy-Montcorbon, un seul commerce était encore ouvert, à midi : celui de la fleuriste Agnès, qui a choisi de ne pas fermer ses portes à 12h30 comme elle le fait d'habitude.

"J'ai vu passer au moins une vingtaine de clients pour M. Delon, au fur et à mesure que les gens l'apprennent. Je resterai ouverte… enfin, jusqu'à ce que je n'aie plus de fleurs, parce que ce n'était pas prévu !"

Agnès connaissait "bien sûr" Alain Delon :

"C'était un client comme les autres, il entrait, disait bonjour, je lui faisais la bise comme à plein de gens. Il faisait comme chez lui, s'il voulait s'asseoir, il allait se chercher une chaise… Il était très souvent au village !"

La fleuriste a découvert son décès "en allumant la radio. Je savais qu'il allait mal, que ça pouvait arriver à tout moment, mais ça m'a quand même fait de l'effet, comme chaque fois que quelqu'un qu'on connait un peu décède. Je me suis dit 'Oh merde !'"

Sonia, 49 ans, et sa fille, Lisa, 26 ans, sont justement venues acheter chacune une rose blanche pour les déposer devant la maison d'Alain Delon.

Les Douchyssoises Sonia, 49 ans, et sa fille, Lisa, 26 ans, sont justement venues acheter chacune une rose blanche pour les déposer devant la maison d'Alain Delon. Photo Caroline Bozec

"On l'a rencontré plusieurs fois au restaurant. Il a signé un autographe à ma fille quand elle avait 10 ans", raconte la première. Celle-ci enchaîne : "Je ne l'avais pas reconnu, je ne savais pas qu'il était acteur, j'avais remarqué qu'il avait un beau chien. Ça lui a fait plaisir quand il m'a entendu, il a fait un détour pour me caresser la tête et pour que je puisse caresser son chien".

La mère reprend :

"Une autre fois, on s'est arrêté au restaurant, il avait laissé une photo de lui et son chien à ma fille et avait signé l'autographe en violet. Je l'ai toujours trouvé sympa, il faisait un sourire et un clin d'œil à tout le monde quand il entrait quelque part. Ce n'était pas un ours."

Lisa n'a vu qu'un film d'Alain Delon, Astérix aux Jeux olympiques. Sa mère en revanche les a tous vu : "Ce n'était pas ma génération, mais je les ai regardés quand j'avais 14-15 ans. C'était un bon acteur, et il faut dire la vérité, il était très, très beau. Même s'il était plus vieux en arrivant à Douchy, quand il te souriait avec ses yeux bleus, tu restais émue. À 70 ans, il avait toujours cette classe." Elle raconte aussi, le sourire aux lèvres, avoir eu le béguin pour son fils Anthony lorsqu'elle était adolescente…

Dans le village toujours, un habitant raconte : "Il y avait des mythes autour d'Alain Delon. Les gens parlaient de sa meute de chiens, qu'il lâchait dans sa propriété, autour de sa maison, pour qu'on n'approche pas. En fait, oui, a une époque, il a eu des chiens, mais là, il n'en avait plus qu'un ou deux peut-être… Pareil, dès qu'un hélico passait au-dessus du village, les gens disaient 'C'est peut-être Alain Delon !' Et nous, on disait 'Oui, oui, bien sûr…'. En fait, ça fait longtemps que Delon ne circulait plus en hélicoptère. Mais nous, on les laissait dire, on laissait vivre le mythe… Maintenant, c'est plus la peine."

Philippe et Lydie vivent à Douchy. "Ça nous a fait un choc, ce matin, quand on a appris ça". Photo Caroline Bozec

Philippe et Lydie vivent à Douchy. Le couple a, lui aussi, choisi de rendre hommage à l'acteur en déposant des roses rouges devant sa grille. Elle, elle n'a jamais vu l'acteur, "mais c'est quand même un bout de notre vie qui s'en va, il faisait partie de la communauté, déclare-t-elle. Quand on a une personne comme ça dans son village, même si on ne le connait pas personnellement, on pense ces gens éternels. Ça nous a fait un choc, ce matin, quand on a appris ça".

Elle rit, les yeux un peu humides.

"Quand je passais devant chez lui, je ralentissais un peu en espérant le voir. J'ai aperçu son fils Anthony une fois, j'en avais les mains toutes tremblantes."

Son compagnon Philippe, en revanche, a eu "l'occasion de lui parler des heures et des heures. C'était au restaurant, il voulait manger en privé, le patron de l'époque avait tout fermé, ne lui avait gardé qu'une table. Et m'avait demandé de rester là, on ne sait jamais, par sécurité. Moi, j'ai dit 'très volontiers', surtout que c'était pour Alain Delon. À un moment, je suis sorti fumer une cigarette. Delon est venu, il m'a passé le bras sur l'épaule et m'a demandé : 'qu'est-ce que tu fais ?' On a parlé du film Le Gitan, je lui ai dit qu'à une époque, j'avais eu une occasion d'être dedans. Il m'a dit 'Tu aurais pu être acteur et me doubler'."

Philippe continue :

"Il était vachement sympa, pas une superstar comme certains le décrivent. J'ai gardé ce moment-là pour moi : il était plus que sympa, presque fraternel, pas l'homme que la presse à scandale trouve facile de détruire. Quand on est connu, on aime avoir des moments privés avec des gens qui vivent sur terre."

"Ma mère a 85 ans, elle est en pleurs. Elle a grandi avec, elle aimait beaucoup ce grand acteur", complète Lydie.

"Il était très populaire dans le coin. On ne le voyait plus tellement ces derniers mois, mais lorsqu’il le pouvait, il venait voir les commerçants douchyssois. Nous avions régulièrement des touristes, parfois venant des pays étrangers, qui se rendaient devant le domaine, en espérant le croiser. Les Douchyssois sont très émus", explique Abel Martin, le maire du village.

Japhet Blanpain et Caroline Bozec