Le Fite – festival international des textiles extraordinaires -Biennale textile de Clermont-Ferrand, est un événement déroutant. On y parle textile mais pas chiffon. Pour sa 7e édition et année olympique oblige, il joue toutes les variations du mot « Play ». L’essentiel est d’y aller.
Un coffret « Polly Pocket », un gros chat sommeillant sur une carpette, au musée Bargoin. Une flopée de drapeaux et une piscine qui invite à plonger dans un océan d’amour, au Musée d’art Roger Quilliot (Marq). Des jeunes filles boliviennes skatant en polleras, ces jupes traditionnelles encombrantes, pour affirmer leur identité et leur liberté, à l’Hôtel de Région… Voici quelques-unes des œuvres et des lieux à explorer avec le Fite, le Festival international des textiles extraordinaires-biennale du textile de Clermont-Ferrand.
La Brésilienne Luisa Dörr a photographié des jeunes Boliviennes qui skatent en polleras (jupes traditionnelles) pour affirmer leur identité. L’expo « Imilla » (jeune fille) est à voir jusqu’au 30 août, à l’Hôtel de Région, du lundi au vendredi de 9 heures à 17 heures. Entrée libre et gratuite.
Un univers joyeux et décaléUn événement déroutant où l’on parle textile, mais pas chiffon, et où on joue comme personne la carte de l’humour pour questionner notre société en faisant dialoguer entre elles, les œuvres d’artistes contemporains et celles patrimoniales des musées.
Exposition "Play" musée Bargoin jusqu'au 12 janvier 2025. Photo Thierry NICOLAS
Année olympique oblige, cette 7e édition propose différentes variations sur un même thème : « Play » (jouer) et c’est au musée Bargoin, que commence la partie avec l’exposition éponyme, à découvrir jusqu’au 12 janvier. On y voit une cinquantaine d’œuvres d’une vingtaine d’artistes du monde entier. D’emblée, le visiteur est plongé dans un univers joyeux et décalé imaginé par la scénographe Héloise Thizy Fayolle avec des couleurs fortes et des clins d’œil au monde du jeu (roue de la fortune pour sélectionner un parcours de visite, damier, terrain de jeu, buts…).
Sujets de société« Dépasser le seul sujet du textile et du sport, et explorer la notion de jeu nous permettait de toucher à des sujets de société : le rapport au corps, le lien entre sport professionnel, politique et capitalisme, l’impact des réseaux sociaux et des jeux vidéo sur nos comportements, celui de la culture populaire, les questions de genre… », explique Charlotte Croissant, responsable du département textile du musée Bargoin.
Exposition "Play" au musée Bargoin. Photo Thierry NICOLASLe visiteur est interpellé par les costumes de super-héros, tricotés par l’Américain Mark Newport, qui voisinent avec des costumes de mascarade de l’ethnie Igbo au Nigéria et qui questionnent les critères associés à la virilité. Ou encore par le gros chat de la Brésilienne Elen Braga qui repose sur un tapis où se dessinent tous les malheurs du monde, soulignant combien les vidéos de chat, qui font des millions de vues sur les réseaux sociaux, détournent notre regard de sujets brûlants. Les photos de Said Atabekov avec ses cavaliers jouant au Kôkpar (un sport des nomades d’Asie centrale) en portant des maillots de clubs de foot, illustrent, elles, comment l’imaginaire du sport occidental s’est immiscé dans le sport traditionnel…
Ces cavaliers d'Asie Centrale photographiés par Said Atabekov jouent au KÔkpar, un sport traditionnel, en portant des maillots du Real de Madrid ou de Manchester. Photo Thierry Nicolas
Élixirs vaudous et installations monumentales au MarqSi l’exposition phare du Fite est au musée Bargoin, des œuvres monumentales sont présentées au Musée d’Art Roger Quillot qui a invité Roméo Mivekannin à créer pour le musée deux œuvres intitulées « Effractions » dans l’idée de « dépasser, d’enfreindre les règles du jeu ».
Dans l’atrium, 54 drapeaux imaginaires, mais représentatifs des 54 États africains, largement sous-représentés aux JO. Ces drapeaux déploient un jeu de couleurs avec des éléments liés à la présence des minorités et le mot “play” décliné dans la langue du pays. Une œuvre que les visiteurs découvrent à chaque pas sous un angle différent.
"Effractions" de Roméo Mivekannin au MARQ
L’artiste a aussi travaillé dans l’espace Roland furieux. Trois tableaux de la série sont en restauration. L’artiste les a repris et interprétés à sa manière. « Il aime questionner les grands mythes européens et la place qu’y tient la figure noire. Souvent, ce sont des servants, lui introduit ses autoportraits. Il a repeint les scènes manquantes sur des draps anciens trempés dans des bains d’élixir vaudou, pour relier les deux cultures. Il se place ainsi comme acteur et regardant » explique Christine Bouilloc, directrice du Marq.
Roméo Mivekannin a glissé des autoportraits dans deux reproductions de tableau de la série Roland furieux au MARQ.
La 3e œuvre est déconcertante, car très symbolique et mystique, avec une évocation de Sainte-Véronique qui essuya le visage du Christ pendant sa Passion, recueillant, sur ce linge, l’empreinte de la Sainte-Face. Composée d’une toile de fond qui reprend l’idée du drapeau et d’une seconde qui vient en superposition, Roméo Mivekannin interroge ici ce qu’on montre et ce qu’on cache avec dans mise en abyme avec un tableau de Roland furieux où l’on aperçoit une toile.
Laissez-vous tenter !Avant de quitter le musée, les visiteurs sont invités à plonger dans la piscine de l’artiste vietnamien Tràn Quang Dai. Intitulée « Love is all, (Play ! Baby ! ) ». L’installation, figure une piscine qui ne serait pas le lieu de la compétition, mais celui de la bienveillance dans laquelle chacun peut se régénérer en serrant des coussins cœur. Par la présence des cartons d’emballage qui forment le périmètre de la piscine et la profusion de coussins (2.500), il interroge aussi la mondialisation, la surconsommation.
« Love is all (Play?! Baby) » du Vietnamien Tran Quang Dai, au Marq.?Photo Thierry Nicolas et Richard Brunel.N’hésitez pas à quitter vos chaussures et à vous y baigner, puisque c’est permis et que ça fait un bien fou ! On vous l’avait dit, le Fite, c’est bien plus que du textile !
(*) Le Fite se déroule à Clermont-Ferrand, les années paires, et à l’étranger, les années impaires. Cette 7e édition a été coconstruite avec le Sesc Sao Paulo, le Brésil accueillant le FITE en 2025.
Jusqu’au 12 janvier. « Play » au musée Bargoin, du mardi au samedi de 10 h à 12 h et de 13 h à 17 h. dimanche de 14 h à 19 h. « Effractions » au Marq du mardi au vendredi de 10 h à 18 h, samedi et dimanche, de 10 h à 13 h et de 14 h à 18 h. Entrée 5€, TR 3€, Gratuit moins de 18 ans. A voir également jusqu’au 22 septembre. L’expo « Solid Light Blue », à la Salle Gaillard, du mardi au samedi de 9 h 30 à 12 h 30 et de 13 h 30 à 18 heures. Entrée gratuite.
PSolid light Blue à la salle Gaillard - Photo Thierry NICOLAS
Géraldine Messina
