L’esprit guinguette, cet art de vivre et de faire la fête populaire qui a vu le jour en marge des villes, a longtemps animé les campagnes. Une tradition dansante et musicale qui, après avoir connu dans la première partie du XIXe siècle un éclatant engouement, s’est peu à peu noyée dans la fièvre des années 2000. Mais depuis quelques années, de nouvelles guinguettes fleurissent dans les campagnes. Illustration en Creuse.
Malgré son caractère éphémère, il a réussi à traverser des siècles. L’esprit guinguette semble aujourd’hui ne pas avoir perdu de son authenticité et de son souffle. Il anime d’ailleurs encore certains lieux en France. De cet esprit guinguette se dégage alors un parfum d’antan où les cigarettes au bec, les casquettes sur la tête et les bals musette faisaient partie de l’imagerie populaire collective.
Maintenant, certaines guinguettes perdurent et évoluent avec leur temps pendant que d’autres se créent. En Creuse, plusieurs guinguettes parsèment le territoire et remettent au cœur de la vie quotidienne cette convivialité parfois oubliée.
Des lieux historiques de convivialité…Et de celles qui se revendiquent guinguettes par leur nom, il y a celle se Masmangeas à côté de l’étang du même nom, sur la commune de Sardent. Ouverte il y a quatre ans, la Guinguette de Masmangeas se trouve sur la départementale 940 entre Guéret et Pontarion. Axe qui, sur 23 kilomètres, ne possédait aucun réel point de rencontre et de débit de boissons..
« Il y a beaucoup de Sardentais qui sont contents de revoir ce lieu animé mais on a aussi des gens qui ne sont pas d’ici »
Ouverte 7j/7 pendant l’été, la guinguette est alors devenue un lieu de rencontre privilégié entre locaux mais aussi touristes. cofondatrice de la Guinguette de Masmangeas, avec son compagnon, Dylan Mellal et sa mère Cécile Basgrot.
Ici, tout le monde se rencontre et toutes les générations s’y croisent. La grand-mère de Lucie, Claude Baboulet, a d’ailleurs connu petite la guinguette d’après-guerre, qui aurait été construite par des prisonniers allemands, mais personne ne sait vraiment… En tout cas, Claude se souvient encore des bals musette qui poussaient la chansonnette, quand la convivialité était alors le maître-mot.Lucie Basgrot et Dylan Mellal, porteurs de projet pour La Guinguette de Masmangeas, accompagnés d’Anthony Gallon (à gauche), bénévole. Photo Floris Bressy
C’est justement ce qu’a voulu faire sa petite-fille Lucie, remettre la convivialité au centre de la table en rouvrant cette guinguette en 2021, fermée depuis des années. L’étang appartenant à sa famille, il semblait normal de réinvestir les lieux. Et depuis quatre ans, la guinguette compte de plus en plus de visiteurs, qui profitent de son cadre sauvage. « Il faut faire perdurer cette convivialité », se réjouit Lucie Basgrot.
Plus loin vers l'est, à l’étang de Chaux, sur la commune de Peyrat-la-Nonière, il y a aussi une histoire, « débutée il y a 42 ans » raconte Valéry Martin, président d’honneur de l’association Marie Chaux les Cœurs, gérant la guinguette. En hommage à Marie-Hélène, l’ancienne propriétaire qui avait créé un lieu festif « à partir d’une cabane de pêcheurs, qui a ensuite grandi », raconte Valéry Martin.
« Son credo : faire simple et vrai, voilà ce que c’était »
Marie-Hélène était la mère de Valéry. C’est suite à sa disparition que l’association s’est montée, pour continuer ce qu’elle avait fait car, pour son fils, « elle avait un cœur énorme ». C’est donc ça l’esprit d’une guinguette, avoir un cœur et l’ouvrir aux autres. Le président d’honneur continu : « C’est sans fioritures. Ici, par exemple le parking c’est un champ ».
A l'étang de Chaux.
Cet ancrage rural, c’est aussi ce qui fait l’authenticité des guinguettes. De l’autre côté de Guéret, plus au nord, à Anzême, c’est cet aspect qui a motivé quatre amis venus de Lyon à venir s’installer en Creuse. Motivés par l’envie d’habiter en campagne, d’offrir aux habitants un lieu pour se rencontrer, Antoine Vachon, Camille Caramanno, Félix Urban et Antoine Magana ont créé la Guinguette d’Anzême, inaugurée en juin dernier.
« On a monté ça main dans la main avec le conseil municipal et les habitants »
« On avait à cœur de réinvestir un village qui avait été très animé par le passé. ». Et pour eux, « l’esprit guinguette c’est de proposer des choses vécues sur le mode de la convivialité simple » et surtout « ne pas se prendre la tête ».
Et même si l’âme traditionnelle des guinguettes était la danse et la musique, maintenant, « on n’y vient plus vraiment pour danser, c’est surtout pour se rencontrer », note Lucie Basgrot. Mais pendant les soirées concerts, les gens n’hésitent pas à se lever de leur chaise et « on n’est plus trop une guinguette de bals musette, c’est plutôt devenu une guinguette rock et reggae » poursuit-elle.
Les quatre amis, Camille, Antoine, Antoine et Félix (de gauche à droite) se sont rencontrés à Lyon et ont monté l’association La Grappe. Photo Christelle Roberge
La musique, cette composante essentielle et indissociable de l’esprit guinguette originel, est aussi ce qui meut les guinguettes actuelles. Et même si « avant la guinguette c’était quelque chose de très festif avec les bals, maintenant l’esprit a évolué, il se réinvente et propose d’autres choses », explique Antoine Vachon pour le cas de la Guinguette d’Anzême.
C’est toujours dans une atmosphère joyeuse et insouciante que les guinguettes programment des concerts qui rassemblent la population et qui permettent de retrouver l’ambiance égarée des bals où les chaussures autrefois s’usaient.
Fête, restauration et culture vous attendent tout l'été à la guinguette d'Anzême
… de rencontres et d’animationsCe qui est nouveau dans ces guinguettes du XXIe siècle, c’est qu’à côté, d’autres animations sont proposées. « On a une nouvelle casquette comparé aux anciennes guinguettes, on propose quelque chose de plus culturel, et pas que festif ». Les trois guinguettes proposent en effet plusieurs animations comme des pièces de théâtre, des activités sportives ou encore des ateliers artistiques, en plus des concerts. Et toutes trois s’accordent pour rendre tout gratuit et accessible à tous.
À Masmangeas, Lucie Basgrot liste « deux piliers : le lien social et la dynamisation du territoire ». En tant que lieu de rencontres et de rassemblement, les guinguettes favorisent les liens entre la population. « Il y a un lien humain entre les habitants et les bénévoles » ajoute Valéry Martin de l’étang de Chaux.
Les planches de produits locaux de la Guinguette de Masmangeas. Photo Floris Bressy
Cette simplicité et ce partage qui émanent de l’esprit guinguette, c’est aussi côté restauration. « C’est permettre à tout le monde de venir et de consommer à des prix corrects » revendiquent les trois guinguettes, et aussi de « manger bon et local ».
L’esprit guinguette, c’est donc cette envie de réunir tout le monde sous un même fanion, celui du partage, de la simplicité et la convivialité. Choses qui ne sont pas prêtes de se perdre en Creuse, tant que des lieux comme ceux-ci existent
Un rayonnement international qui n’empêche pas cette guinguette de rester simple, conviviale et de rester accessible au plus grand nombre.
Pascal Gaméra raconte que « quand on a commencé, les gens étaient beaucoup spectateurs, ils venaient manger un fondu et ils regardaient la musique assis ». Maintenant, continue-t-il, « on essaie d’avoir une musique plus festive pour faire danser les gens. Alors on a reculé les tables, et puis ça a démarré petit à petit. Maintenant, les gens se lèvent et le plateau de danse est rempli à chaque spectacle?! ». L’insouciance et la simplicité des Copains d’abord, c’est donc ça toute l’authenticité d’une guinguette et de l’esprit.
Marie Le Maux
