"Allez Victoooooor ! Mets-la dans le trouuuu !" Drapeau bleu blanc rouge sur les épaules et voix aussi puissante qu’un drive bien cogné de Tiger Woods, un supporter exhorte Victor Perez à rentrer son putt pour birdie. Si tous les spectateurs qu’on a croisés, le week-end dernier, n’étaient pas aussi démonstratifs que cet énergumène aperçu aux abords du trou n°10, l’ambiance n’en était pas moins assez dingue, et très inhabituelle, paraît-il, sur les greens du Golf National de Guyancourt. Près de 25.000 spectateurs s’y sont massés, chaque jour, de jeudi à dimanche dernier, pour la compétition masculine de golf, et on fera rebelote, à partir de jeudi, pour les filles.
Toutes les émotions, l’atmosphère, les gens qui m’ont soutenu pendant quatre jours, c’est quelque chose que je ne suis pas près d’oublier
Sans surprise, la foule a porté les deux tricolores engagés, Vitor Perez et Mathieu Pavon, escortés par une incroyable marée humaine tout au long de leur tournoi, peu importe leurs résultats. Des clameurs à chaque coup, des encouragements à n’en plus finir : les deux hommes, exilés à l’année sur le circuit américain, ont bénéficié à plein de l’effet équipe de France. Surtout Perez, dont la remontée fantastique jusqu’au pied du podium, dimanche, a soulevé un enthousiasme démesuré.
« Toutes les émotions, l’atmosphère, les gens qui m’ont soutenu pendant quatre jours, c’est quelque chose que je ne suis pas près d’oublier, assurait-il. Voir autant de gens, un public français qui te soutient depuis 9h jeudi matin, c’est vrai que c’est top. On vit déjà pas mal d’émotions dans le golf, des bonnes et des mauvaises, mais là, c’était probablement XXL. »
De prime abord, quand on pense JO, on pense athlétisme, natation ou encore judo, mais pas forcément golf. Il faut dire que la discipline est encore jeune dans le concert de l’olympisme, puisqu’elle n’a fait son apparition qu’en 2016, à Rio. Et pour ce baptême, la plupart des meilleurs joueurs avaient snobé l’événement, se réfugiant derrière la menace du virus zika… La vérité, c’est qu’il n’y avait pas de prize-money, et que les Jeux n’étaient pas une priorité pour beaucoup, à l’époque.
Si la greffe a tardé à prendre, il semblerait qu’elle ait pris. De McIlroy à Schauffele en passant par Rahm, Matsuyama ou Scheffler, le nouveau champion olympique, une bonne partie des grandes stars de la planète golf avait fait le déplacement dans les Yvelines, sur un parcours référencé, où s’était jouée la Ryder Cup, en 2018. Dans une atmosphère encore plus délirante.
Nous, on découvre, c’est la première fois qu’on met les pieds sur un parcours. Jusque-là, notre seule expérience c’était au practice et on avait surtout arraché l’herbe?! On est agréablement surpris, on ne pensait pas qu’il y aurait autant d’ambiance?!
« On a eu la crème de la crème. Toutes les semaines, ces joueurs-là jouent pour des millions de dollars, mais ils sont venus parce qu’ils croient au truc, soufflait Yannick, le responsable de la zone médias. Et l’ambiance n’avait absolument rien à voir avec les tournois ordinaires. » C’est vrai que sur certains trous, noirs de monde, on se serait parfois cru dans un petit stade de foot. À la différence près qu’au golf, il faut savoir se taire une bonne partie du temps. Et les joueurs sont là pour le rappeler, si besoin : « Silence, s’il vous plaît ! », pestait ainsi l’Anglais Matthew Fitzpatrick, samedi, alors qu’il était empêtré dans les herbes hautes.
« C’est rare de voir tous les meilleurs joueurs du monde en France, alors on en profite », lâchait Pascal, un golfeur amateur ravi d’admirer le swing du n°1 mondial, l’Américain Scottie Scheffler. Comme lui, une partie du public était rompue aux règles du golf. Mais seulement une partie. « Nous, on découvre, c’est la première fois qu’on met les pieds sur un parcours, racontaient trois amis venus de Lyon, drapeaux tricolores imprimés sur les joues. On a acheté des packs et il y avait le golf dedans. Jusque-là, notre seule expérience c’était au practice et on avait surtout arraché l’herbe?! On est agréablement surpris, on ne pensait pas qu’il y aurait autant d’ambiance?! » Nous non plus?!
Romain Léger