C’est un retour de boomerang dont la Ligue 2 se serait volontiers passée. Car il sonne comme un second uppercut à la face d’une division qui a déjà ordinairement du mal à exister à l’ombre de la Ligue 1 et qui vit aussi la crise drastique des droits TV.
Le dernier point de crispation ? La décision - sans concertation aucune - de la part de la Ligue de football professionnel (LFP) de caler les rencontres de Ligue 2 le vendredi soir pour l’essentiel. Une programmation qui a vu monter au créneau autant les clubs que les supporters, mis devant le fait accompli et pas contents - doux euphémisme - de ce soudain retour en arrière.
L’affaire s’est dénouée jeudi dernier à Paris. Avec, dans le rôle du Grand manitou, la chaîne BeIn Sports qui, propriétaire des droits de la deuxième division française, a imposé sa loi. Tout cela parce que la chaîne qatarie, qui a acquis (pour 100 millions d’euros) le droit de diffuser un match de Ligue 1 le samedi, ne veut pas mettre tous ses œufs dans le même panier le même jour. Et tant pis si la L2, achetée elle pour 40 millions d'euros annuels jusqu’en 2029, en paie les pots cassés…
Sept matchs sur neuf sont concernésLe verdict est tombé avec l’annonce de la programmation des trois premières journées à deux semaines de la reprise du championnat. Sept matchs sur neuf auront donc lieu le vendredi soir à 20 heures ; un le samedi après-midi (14 h 30) et un autre le lundi que tout le monde redoute plus que tout (20 h 45). Loin, très loin, de ce qui avait été annoncé préalablement…
Dans les rangs des clubs, on s’insurge sur le fait qu’ils aient pu être associés à ce revirement. « On n’a pas été consulté. Ni de près, ni de loin ! », grogne un dirigeant de L2. Un courroux partagé par les supporters qui ont l’impression « d’être pris pour des gogos ». Beaucoup avaient déjà sorti la carte bleue mais s’étaient engagés pour des matchs le samedi à 19 heures.
Avec cette avancée inopinée de quasiment 24 heures, beaucoup n’iront pas au stade en soirée. Il sera aussi impossible pour l’écrasante majorité de suivre leur équipe favorite en déplacement après une journée de travail.
« Le seul moyen sera de poser une journée de repos. Pour moi, ce sera niet », grimace Hugo, supporter du Clermont Foot… qui travaille le samedi matin.
Autre fan du CF63, Xavier, qui était parmi les Ultras l’an passé, a lui aussi été mis devant le fait accompli : « J’avais déjà repris mon abonnement. Pour moi, c’est un peu particulier car je peux aménager mes horaires et je pourrai donc continuer à faire les déplacements. Mais pour d’autres, c’est clair que cela ne pourra pas le faire ».
Laval, le club tango au palindrome, a été le premier à dire ouvertement “NON”. « C’est une mauvaise décision, peste le président mayennais, Laurent Lairy. Cela pénalise nos supporters ». Il faudra donc s’attendre à des affluences et à des recettes en baisse. Laval a été suivi par le Red Star qui a disputé samedi un match amical en portant à l’échauffement des tee-shirts dénonçant cette décision.
Les clubs de L2 se sont réunis ce lundi. C’était prévu avant même ce coup de Trafalgar. Leur rancœur est forte. De là à imaginer une volte-face de la chaîne qatarie ? On peut en douter. « Le diffuseur paie et nous impose le vendredi. Le problème avec ce genre d’appel d’offres totalement fermé, c’est que vous ne pouvez pas discuter ! », déplore encore le patron de Laval.
« Un scénario désastreux »Autre problème soulevé : cette reprogrammation va percuter de plein fouet le championnat National. Dans certains coins de France, il faudra se partager la misère… Autre effet papillon inattendu relevé par un scoot clermontois : « Impossible de suivre en même temps L2 et National qui sont des terrains de choix pour prospecter et dénicher de nouveaux talents. Ça complique un peu plus les choses ».
L’association nationale des supporters évoque même « un scénario désastreux ». Seuls les joueurs, qui auront leur week-end, pourraient y trouver leur compte. Mais si les recettes globales chutent, pour combien de temps ? A titre d'exemple, pour la première journée de L2 vendredi 16 août, il y aura un Le Havre-PSG en L1 en face à la télé. Difficile de lutter.
Valéry Lefort
