La vie est souvent trop imprévisible pour se hasarder à tirer des plans sur la comète. C’est encore plus vrai quand il s’agit de sport, un domaine où nombreux sont les aléas susceptibles de faire basculer des destins et ruiner des carrières. Mais il arrive aussi parfois, très rarement, que toutes les planètes s’alignent permettant aux rêves, même les plus fous, de se réaliser.Victor Wembanyama n’a pas encore concrétisé tous les siens mais il est déjà là où tout le monde l’a toujours attendu. « Lors d’un tournoi intercomités U13, Stéphane Risacher (vice-champion olympique aux Jeux de Sydney) m’avait dit que si Victor passait à côté de sa carrière, il serait juste un bon joueur NBA ».L’anecdote appartient à Nicolas Lang, capitaine du Limoges CSP, invité à rembobiner le film de sa première rencontre avec la merveille du basket français. « Stéphane est très réservé, pas le genre à s’emballer pour rien. Mais là, il me dit qu’il a vu un jeune exceptionnel. Un joueur de 2,10 m capable de dribbler et de tirer. Il me raconte aussi qu’il a croisé ses parents, des gens très bien. Puis, il me dit que le gamin a sauté une classe. Je pensais qu’il se moquait de moi. »
« Il posait des questions et absorbait tout »Et comme Nicolas Lang partage avec Saint Thomas cette manie de ne seulement croire que ce qu’il voit, il va juger le phénomène de ses propres yeux. La claque : « Victor manquait un peu de dynamisme mais il était déjà tellement délié pour sa taille. Ce qu’il faisait sur le terrain était fou ».Frédéric Donnadieu, président de Nanterre et frère de Pascal, adjoint de Vincent Collet en équipe de France, connaissait, lui, depuis déjà deux ans ce diamant encore à polir mais déjà appelé à briller.« Je l’ai découvert quand j’entraînais les U11 de Nanterre où jouait mon fils. On nous avait parlé d’un grand gabarit évoluant dans un club de Versailles », dit-il en fouillant dans sa boîte aux plus beaux souvenirs. Frédéric Donnadieu reste estomaqué par ce gamin de 11 ans dépassant déjà les 180 centimètres doté de « qualités techniques au-dessus de la moyenne ». Mais aussi par « ce garçon au top avec un super état d’esprit et toujours le sourire ». Au club, il fait l’unanimité auprès des bénévoles qui louent sa gentillesse et sa politesse.Le Victor de Nanterre va devenir « Wemby », la plus belle des promesses. Elle commence à se propager au tournoi de Bourbourg dans les Hauts-de-France, une sorte de Mondial U11. « Dès sa première participation, il a attiré tous les regards. Les gens étaient subjugués par lui. Je me souviens m’être fait la réflexion que si lui n’allait pas en NBA un jour, plus personne n’irait », confie Frédéric Donnadieu.Certains auraient pu se croire arrivés sans même avoir effectué la moitié du chemin. Pas lui. « Il voulait toujours comprendre les choix du coach, il posait des questions et absorbait tout », poursuit le président de Nanterre
« C’est un talent générationnel »Sa famille couve le phénomène sans le prendre pour la poule aux œufs d’or. « Elle voulait juste son bonheur, de manière désintéressée », assure Frédéric Donnadieu avec de l’admiration pour ces gens simples et remplis de valeurs. Sans doute l’une des raisons pour lesquelles la prophétie va bientôt se réaliser. Il est temps pour le monde de savoir que le futur du basket se dessine dans les Hauts-de-Seine.Les débuts en pro à 15 ans à Nanterre, puis une saison à l’ASVEL confirment le potentiel sans limite de cet ado passionné de dessin et curieux de tout. « Il est incroyable, il n’a pas la grosse tête. Il peut parler de tous les sujets, apprécie Nicolas Lang qui l’a croisé en équipe de France. Il veut être normal mais il ne l’est pas. »La révélation aux yeux du très grand public interviendra en octobre 2022 lors d’une tournée aux États-Unis de Boulogne-Levallois, dernière équipe en France de « Wemby ». De l’autre côté de l’Atlantique là où les légendes s’écrivent, il va être adoubé par Lebron James, la star des Lakers, en personne. « Tout le monde utilise ce terme de licorne ces derniers temps. On a parlé de plein de licornes mais lui, c’est plutôt un alien, tranche “King James”. Personne n’a jamais vu quelqu’un comme ça. C’est un talent générationnel. » De ceux qui repoussent toutes les limites et brisent les normes pour marquer l’Histoire.
Matthieu Marrot