Quand les membres de Verte confrérie invitent leurs amis confrères d’autres associations à faire la fête, ils ratissent large. Une vingtaine de spécialités et autant de terroirs étaient représentés samedi dans un défilé coloré et costumé à travers la ville. Défilé qui n’était pas sans rappeler celui du Roi de l’Oiseau.
Capables de traverser la France pour mettre en avant un fromage, un vin, un légume.
Ici pas de gentes dames et d’hommes en armes, juste de bons vivants capables de traverser la France pour mettre en avant un fromage, un vin ou un légume. Ensuite, pour avoir droit de goûter à ces pépites culinaires, il fallait pousser la curiosité jusqu’à Saint-Rémy, non loin de Vergezac, chez le grand maître de Verte confrérie de la Lentille du Puy, Robert Chouvier, où se tenait le déjeuner de fête et comme tous les deux ans, des intronisations.Dans ce florilège des saveurs, voici, au risque de commettre quelques associations de goût audacieuses et incongrues, la rigotte des monts du Pilat dite « de Condrieu » et un célèbre vin produit entre Ampuis et Chavanay.Ne quittons pas les terres viticoles : en Mâconnais, qui connaît encore la gaufrette ? Un biscuit qui puise ses origines au Moyen Âge, une hostie, non consacrée, faite de farine de sarrasin et d’eau, et qui s’est enrichie de crème fraîche.
La verte Confrère de la lentille du PuyLe grand maître de la confrérie de la gaufrette certifie qu’un tableau du Louvre représente le fameux biscuit. Pas sûr que la douceur de la gaufrette puisse vous redonner bonne haleine après avoir consommé de l’ail rouge de Piolenc. Cette plante potagère unique au goût puissant est encore produite près d’Orange dans le Vaucluse.« Je commence à être vieux, mais j’en ai toujours vu chez moi », assure Jean-Paul, qui en a cultivé toute sa vie et qui continue à vendre son ail sur le marché de Châteaurenard. Depuis quelques années les producteurs aspirent à obtenir une AOP (Appellation d’origine protégée). Un travail s’inscrivant dans le temps long. Leurs confrères vellaves en savent quelque chose !Les amateurs d’ail côtoyaient, au sein du défilé, les défenseurs de l’appellation Saint-Péray. Le grand maître est intarissable sur les cépages Marsanne et Roussanne, à partir desquels on obtient notamment le fameux Dom Pérignon. Il se murmure que sans ce précieux breuvage, Richard Wagner n’aurait peut-être jamais donné naissance à La Walkyrie.
Confréries lentilleLes membres partagent avec une autre confrérie bachique, Génération Géminian de l’Aude, la passion d’un nectar, et d’un cépage, le manseng. Sa vendange tardive, entre le 15 et le 30 novembre, permet d’obtenir un produit d’exception. « On ne produit pas plus de 2.500 bouteilles par an », assure Francis Bardiere, grand commandeur de la confrérie. La dégustation à l’apéritif servi à Saint-Rémy a fait quelques heureux.Pour compléter ce bref tour des terroirs, voici un produit qui parlera à notre fibre salaisonnière : le murçon matheysin est un saucisson à cuire aromatisé de carvi, appelé aussi anis des prés ou encore « charrail » en patois dauphinois. On peut en faire provende entre Grenoble et Gap en empruntant la Route Napoléon. La gastronomie matheysine a de quoi séduire au Puy, où tout le monde espère un jour retrouver les Caillounades du Velay, cette fête du cochon qui n’a duré que le temps d’un hiver.
Philippe Suc