« Alors là, on est au-dessus de la cuisine ? » Plan de la villa romaine en main, l’archéologue Aurélien Sartou acquiesce. Et raconte aux visiteurs aussi étonnés qu’intéressés la cheminée qui servait à préparer des braises plus qu’à cuire et le plan de travail, à côté, sur lequel on braisait les victuailles.
À quelques pas, Noëlie et son frère, en vacances dans la maison familiale de Bugeat, manient pinceaux, cuillère et truelle pour dégager du sable. L’archéologue et médiatrice Anne-Claire Misme a préparé des bacs, copies en modèle réduit de différents terrains de fouille. Charbons de bois, tessons de poterie et même des dents... « d’animal », précise-t-elle aussitôt pour rassurer les enfants.Noëlie et son frère ont fouillé le sable et mis au jour des ossements ou des charbons comme de vrais archéologues.
Mercredi 31 juillet, le site archéologique du Champ du Palais, à Bugeat, a repris vie lors d’une journée de visites et d’animations orchestrée par les Amis du Pays de Bugeat dans le cadre de leur festival Sport et Culture.
L’occasion pour les visiteurs, pour certains fidèles du site romain depuis plusieurs années, de découvrir les nouveautés mises au jour lors des fouilles récentes. « Ce site est exemplaire, rappelle Aurélien Sartou, parce qu’il n’y a pas de risque de destruction. On peut faire de l’archéologie programmée, remblayer au fur et à mesure en attendant une éventuelle mise en valeur un jour. C’est aussi un site qui a été peu labouré et transformé, les vestiges sont donc très bien préservés. »
Des fouilles triennales lancéesDu 3 au 28 juin, avec une douzaine d’étudiants d’universités françaises, les archéologues d’Éveha (*) ont lancé une seconde campagne de fouilles triennale, jusqu’en 2026, et ouvert une nouvelle zone de 300 m², à l’est de la partie résidentielle de la villa.
Il pointe du doigt un bout de mur. « On a poursuivi le décapage de la cour qui borde la partie fonctionnelle de la villa, avec la cuisine et des lieux de stockage. On est arrivé sur une zone de bâtiments avec une fonction plus d’habitat, apprécie-t-il. Plus cossus en termes architecturaux, avec En juin, les fouilles ont révélé la présence de bâtiments résidentiels à l'est de la villa.des moellons plus réguliers, des sols en béton romain, mêlé de tuiles. »
Une trouvaille qui vient confirmer ce qu’une campagne de prospection au géoradar, en 2022, avait suspecté. « On avait vu qu’il y avait des pièces supplémentaires, poursuit l’archéologue. Probablement, s’agit-il de la poursuite de la villa résidentielle. Une villa bipartite, c’est classique, des pièces de ce côté-ci de la cour, c’est moins courant. Ça ne nous dit pas grand-chose de la vie de la villa pour l’instant, il faudra voir l’an prochain lors des prochaines fouilles et du dégagement des pièces en question. »
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Des vestiges mobiliers (fragments de vaisselle en céramique ou en verre) ont aussi été trouvés, moins densément qu’à proximité de la cuisine. « On reste sur une création de la villa au milieu du Ier siècle après J-C pour un développement progressif dans le courant du IIe siècle, avec une montée en standing, et un abandon au IIIe siècle », précise-t-il.
L'hypothèse de thermes à confirmerÀ l’automne, Aurélien Sartou reviendra au Champ du Palais, peaufiner l’enregistrement de ces résultats et protéger ces découvertes. En juin prochain, une nouvelle zone sera décaissée. « On a trouvé des maçonneries qui rappellent celles d’espaces chauffés. Peut-être qu’on trouvait là les thermes de la villa. Cela reste des hypothèses à confirmer dans les deux ans à venir. »Céramologie ou carpologie, l'archéologue Anne-Claire Misme a mis en place des ateliers présentant les différents métiers de l'archéologie.
Quant à préciser les usages de la villa ou ses propriétaires et les types de revenus qu’ils en tiraient, il faudra attendre encore... des études complémentaires. « On pourrait effectuer des prélèvements dans les tourbes, des milieux humides qui conservent très bien les pollens, pour avoir une idée du paysage de l’époque - des bois, des cultures ? Cela nous permettrait de resituer le contexte. »
Le Champ du Palais n’a pas fini d’attirer curieux et amateurs.
(*) Société privée d’archéologie préventive Études et valorisations archéologiques.
Blandine Hutin-Mercier