Derrière la mairie de Saint-Paul-des-Landes, un rectangle de verdure et son pommier commun. Sous l’arbre, un banc. C’est ce spot idéal qu’ont choisi Béatrice et Dominique pour patienter avec Frigo [Opus 2], de la compagnie Dis bonjour à la dame. « Il y a beaucoup moins de monde qu’à Aurillac, savoure Béatrice. Et on voit mieux ! » Le couple assiste au Festival international de théâtre de rue depuis 30 ans. « On a changé de rythme, rigole Dominique. Avant, on partait le matin et on rentrait le soir… Maintenant, on s’est calmés. Je pense que c’est dû à l’âge ! » Dans leurs grandes années, ces deux Aurillacois racontent être allés jusqu’au Falgoux, à une heure de route, pour profiter des Préalables, l’ancêtre de Champ libre.
Le numéro du clown au nez noir commence. Il se produit en plein centre-bourg, sous les volets d’une maison bourgeoise. Son propriétaire sort la tête, traverse son jardin et s’appuie sur son muret, qui lui offre une vue imprenable sur la représentation. Alors le comédien Nicolas Ferré improvise avec ce Saint-Paulois aux cheveux blancs. Comme l’exigent les codes du théâtre de rue, il l’intègre à son spectacle : ce sera « papy », du début jusqu’à la fin, à l’hilarité générale.
Plus de 400 personnesPlus de 400 personnes ont fait le déplacement. Estelle a conduit huit petites minutes depuis Saint-Étienne-Cantalès avec ses deux filles, Thalia et Tiyana, à qui elle fait découvrir pour la toute première fois les arts de la rue. Habitante de Saint-Paul-des-Landes, Christiane accompagne quant à elle ses petits-enfants, Emma et Nolan, qui gardent un excellent souvenir de leur dernier Champ libre ! « Tous les ans, on l’attend. C’est une excellente idée, sans laquelle beaucoup ne profiteraient pas du Festival… »
« Pour nous, c’est une belle opportunité », abonde Patricia Benito, maire de Saint-Paul-des-Landes. « Parce qu’il y a des personnes qui ne peuvent pas se déplacer : cela leur permet de profiter quand même des spectacles programmés. » L’élue accueille Champ libre pour la troisième année dans sa commune : l’une des 25 du Cantal à avoir noué, cet été, un partenariat artistique avec l’association Éclat.
« C’est plus accessible »Joëlle a tenu à ce que Florian et Jean-Paul voient ce clown au nez noir, pour qui elle a eu un coup de cœur il y a quelques années. Ils arrivent ensemble de Jussac. « À Aurillac, c’est moins intime, c’est très éparpillé tandis que là, on peut se garer et en plus, on voit bien… si on y va assez tôt. »
Beaucoup de Cantaliens, telle que Jeanne, originaire de Nieudan. « Champ libre, c’est extra, car cela permet d’être un peu plus cool et de voir certains spectacles avant. Même à Champ libre, je trouve qu’il y a de plus en plus de monde », observe cette mordue du théâtre de rue venue avec Noémie et Antoine, ses petits-enfants. « On est allés au spectacle d’Ytrac : il y avait un monde fou, c’était impressionnant ! » Mais aussi des expatriés, tel que Jean, un Aurillacois installé à Lyon et revenu, pour les vacances, avec sa fille Madeleine. « Je découvre ce format, que je trouve hyper sympa. C’est plus accessible, il y a moins l’effet de groupe de la ville… même si j’aime aussi beaucoup la rue. »
« C’est une véritable co-réalisation, un engagement de chaque commune pour que la culture, les arts de la rue, puissent être diffusés très largement, au plus proche des gens, dans des territoires pouvant être éloignés de la ville d’Aurillac ou de son agglomération », souligne Frédéric Remy, directeur d'Éclat. Cette année, 25 communes sont dans la boucle, de Condat à Saint-Urcize, en passant par Saint-Flour ou Neuvéglise-sur-Truyère. L’engouement est là. « C’est un autre rythme » que l’effervescence des rues d’Aurillac, observe Frédéric Remy. « On vient voir un spectacle, à 19 heures. Entre amis, en famille aussi. On se retrouve, avec des habitants, des touristes qui reviennent… Les communes aiment créer ces instants de réunions collectives. »
Romain Blanc
Follow @rmnblanc