2006. Zinedine Zidane entachait son ultime partition d’un vilan coup de boule à Marco Materazzi, Tiger Woods remportait le British Open et Michael Schumacher se retirait des circuits.
Cette année-là, n’était pas l’année 62. Et le public de Roland-Garros ne les connaissait pas. Du moins pas autant que maintenant. Le 7 juin 2006, Rafael Nadal (20 ans, numéro 2 mondial) et Novak Djokovic (19 ans, 63e mondial), s’affrontaient bien pour la (toute) première fois. Lors d’un quart de finale du Grand chelem parisien, remporté en toute tranquillité par le Majorquin, après l’abandon du Serbe à 6-4, 6-4 contre lui.
Lindsey Vonn : "Ce sera émouvant, c’est certain"Dix-huit ans après et 59 face-à-face bien plus épiques, glanés 30 fois par « Nole », les plus grandes stars de la planète se retrouvent au milieu de la file d’attente de la tribune présidentielle de ce même court Philippe-Chatrier. Qui gronde d’impatience avant le deuxième tour de l’épreuve simple messieurs de tennis olympique le plus suivi de l’histoire.
« Je suis amie avec Novak et Rafa donc je suis venue là pour les supporter et voir un tennis incroyable », nous glisse la skieuse américaine aux 82 victoires en Coupe du monde Lindsey Vonn. Elle s’est même parée d’une robe tennistique pour coller au mieux au décor. Ses yeux frétillent : « Je suis triste rien qu’à l’idée que ça peut être leur dernier affrontement, que Rafa ne jouera peut-être plus jamais ici en simple… Mais je vais encore plus m’attacher à profiter de l’instant présent. Roger, Rafa, Novak… Oui, ce sont eux qui m’ont fait aimer le tennis. On arrive à un changement de génération, il est temps de passer à autre chose… Ce sera émouvant, c’est certain. »
Pau Gasol piaffe d'impatienceMême l’ex-basketteur espagnol Pau Gasol, champion du monde et double champion NBA a des fourmis dans les jambes : « Novak et Rafa ont joué d’incroyables matches ici. Ce sont deux vrais ambassadeurs de leur sport, j’ai hâte d’assister à ça ! »
Stefka Kostadinova, détentrice du record du monde du saut en hauteur entre 1987 et 2024, tout de survêtement officiel de la délégation bulgare vêtue, apprécie autant ces deux tennismen que les hommes : « Ce sont deux champions mais aussi deux personnes iconiques. Ce match va être très spectaculaire ! »
Rafa balayé en moins de 2 heuresC’est enfin l’heure d’en découdre. L’habituel court central du tournoi majeur parisien déborde. La tribune de presse affiche plus que complet et les tant appréciées loges de l’enceinte se refusent même aux plus habitués. Sur l’ocre, le roi Rafa ressemble plus au finaliste du tournoi de Bastad 2024, qu’au vainqueur de 22 grands chelems (24 pour son adversaire).
Le public est bien dans sa poche, comme toujours Porte d’Auteuil, allant jusqu’à célébrer son moindre point inscrit comme celui d’une balle de match. Mais rien n’y fait. Malgré un dernier sursaut d’orgueil de l’Espagnol, Novak Djokovic fait à son tour basculer le duel en une promenade de santé (6-1, 6-4), après seulement 1 h 43 d’échanges.
Comme pour boucler la boucle de l’une des plus belles batailles tennistiques de l’histoire ? Adrian, venu accompagné de Raquel et Laura, depuis Grenade, se refuse à l’idée. « On ne sait pas encore si c’est leur dernier match l’un contre l’autre, mais c’était un jour quand même très spécial et émouvant. Rafa peut revenir l’année prochaine à Roland-Garros, ça reste son tournoi préféré. Nous, on y croit toujours ! On ne sait pas ce qui va se passer, qui le sait ? »
L’intéressé peut-être ? Sa réponse, en zone mixte, au sortir de sa cuisante élimination : « Tous les jours, vous voulez que je prenne ma retraite… Aujourd’hui (lundi), je ne sais pas. Quand ce tournoi sera terminé, je prendrai les décisions qu’il faut. En m’appuyant avant tout sur mes envies et mes sensations. »
Le choix lui appartient. En attendant, la planète tennis continue de tourner et la terre battue de Roland-Garros fait de la poussière. Poussière, celle qui nous tient d’ailleurs à l’œil au moment de se rendre compte du brutal crépuscule d’un champion multigénération…
À Paris, Florent Leybros