Il y a, dans l’hôtel-restaurant Rive Gauche à Bessines-sur-Gartempe en Haute-Vienne, quelque chose de symbolique. La RN20, reclassée depuis D220, passe toujours devant le bâtiment qui s’est appelé, autrefois, l’hôtel de La Vallée. Mais le trafic, en ce mois de juillet, en direction du soleil et du sud, s’est surtout déporté « au-dessus » de l’établissement puisque le viaduc sur la Gartempe a été construit sur la falaise au-dessus du bâtiment, lorsque l’autoroute A20 a permis de dévier Bessines-sur-Gartempe dans les années 1990.
C’est donc un peu comme si l’hôtel-restaurant Rive Gauche renvoyait aux deux vies de la commune (1). Entre RN20 et A20. Tout comme les autres restaurants qui jalonnent toujours l’ancienne nationale 20 dans la traversée de Bessines-sur-Gartempe.
De nombreux hôtels-restaurantsMaire de Bessines-sur-Gartempe de 1977 à 2008, « mais également conseiller général », ajoute-t-il, jusqu’en 2015, Bernard Brouille, 82 ans aujourd’hui, est capable de citer tous les garages, stations-essence et hôtels-restaurants de l’époque. Et le voilà qui liste, côté hôtels-restaurants, « Le Manoir Henri IV, l’hôtel du Pont, l’hôtel de La Vallée, puis à l’intérieur du bourg l’hôtel du Centre, l’hôtel de France et même, il y avait eu un hôtel-restaurant de La Poste. Enfin, en sortant vers Limoges, l’hôtel Bellevue. Bessines-sur-Gartempe était connue pour ses hôtels-restaurants réputés (2). »
Certains sont toujours en activité. D’autres non, mais les devantures des établissements racontent quelque chose du passé bessinaud.
La RN20 et l'hôtel de La Vallée dans les années 60. Photothèque Paul Colmar
En 2024 : l'ancienne RN20 avec, au fond, l'hôtel de La Vallée devenu le Rive Gauche. Photo J.-A. Truchassou
« L’été, il y avait beaucoup de monde qui s’arrêtait avant de poursuivre leur route vers le sud, confirment Roger et Jacqueline Tardieu, 72 et 69 ans, tous deux anciens employés de l’hôtel de La Vallée. Il y a certaines personnes qui revenaient à Bessines tous les ans. » « J’ai de vieux clients, dont certains viennent encore, qui m’ont raconté qu’à l’époque, ils s’arrêtaient toujours ici, à l’hôtel de La Vallée, parce qu’il y avait la télévision dans les chambres », témoigne à propos de ces habitués Mourad Fedala, gérant de l’hôtel-restaurant Rive Gauche depuis 19 ans maintenant. « Ils n’avaient pas forcément la télévision chez eux, mais ils faisaient une halte, ici, sur la route des vacances, parce qu’il y avait la télé dans les chambres. »
Le label Village étapeRoger et Jacqueline Tardieu ont donc travaillé, dans les années 90, à l’hôtel de La Vallée. Elle s’occupait du ménage des « 20 chambres » et du linge, quand, Roger, lui, le « bricoleur », comme il dit, était un peu l’homme à tout faire : peinture, tapisserie, jardinage, serrures cassées, etc. Pendant des années, ils ont fait la route Limoges-Bessines et peuvent témoigner à quel point le trafic était parfois chargé, notamment l’été.L'ancienne RN20, devenue D220, avec, au fond, le viaduc de l'A20. Photo J.-A. Truchassou
Puis tout a été différent donc, au milieu des années 90, lorsque la fameuse autoroute a remplacé la RN20 et ouvert « au-dessus » de Bessines. Mais Bernard Brouille, dont la vie professionnelle (il était garagiste, à la sortie de Bessines en allant vers Limoges) et politique a forcément été marquée par cette RN20, s’est battu pour le label Village étape. « Il fallait faire quelque chose pour nos commerces », résume-t-il aujourd’hui. Bessines-sur-Gartempe et Magnac-Bourg (plus au sud en Haute-Vienne) ont été les premières communes de France labellisées Villages étapes. Et cela contribue, encore aujourd’hui, à faire arrêter les touristes à Bessines.
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(1) Le bourg de Bessines-sur-Gartempe a été une première fois contourné dans les années 1950. L’hôtel-restaurant de La Vallée a ainsi vu le jour sur cette nouvelle portion de RN20 près de la Gartempe, explique l’ancien maire Bernard Brouille.
(2) Rattachée définitivement à Bessines-sur-Gartempe en 1982, Morterolles-sur-Semme, située également sur la RN20, comptait aussi des commerces.
À voir et à manger... Toujours labellisée Village étape, Bessines-sur-Gartempe (qui fut en 1995 la première commune labellisée en France avec Magnac-Bourg) promet une halte « détente et découverte », comme l’évoque son site Internet. Plusieurs hôtels et restaurants sont situés sur le tracé de l’ex-RN20 et dans le bourg. À ne pas manquer : le musée interactif de la mine Urêka, l’espace Suzanne-Valadon ou encore l’étang de Sagnat.
Un immense bouchon reconstitué à Cahors
Preuve que l’ancienne RN20 constitue aujourd’hui encore une madeleine de Proust pour de nombreuses personnes, les événements se multiplient autour de cette route.Reconstitution d'un bouchon de la RN20 à Cahors ce dimanche 21 juillet 2024 avec des voitures anciennes.
Après la « RN20 historique 2024 », organisée fin juin par les Rétromobiles limousines, et qui a réuni 70 véhicules anciens entre Bessines-sur-Gartempe et Magnac-Bourg en Haute-Vienne, c’est à Cahors (Lot) que les passionnés (dont certains étaient venus en voisins du Limousin) se sont rassemblés ce dimanche 21 juillet pour y reconstituer un bouchon estival de la RN20.
Il a fallu qu’une 2CV tombe en panne (panne vite réglée avec humour par un petit coup de whisky dans le moteur) en fin de matinée pour mettre une belle pagaille - mais orchestrée - sur le boulevard Léon-Gambetta de la préfecture lotoise, là où passait la RN20.
Voitures anciennes, caravanes, deux-roues d’époque mais aussi tracteurs, etc, près de 300 véhicules ont participé à cette 4e édition du « Bouchon de la RN20 » organisée par les clubs du “Cahors auto rétro” et des “Amateurs quercynois de véhicules anciens”. L’occasion de remémorer des souvenirs à tous ceux qui, un jour d’été, ont déjà été bloqués dans la traversée de Cahors.
Jean-Adrien Truchassou