À 71 ans, vous bénéficiez d’une dérogation de France Télévisions pour pouvoir couvrir Paris 2024, alors qu’un règlement empêche d’être salarié du service public au-delà de 70 ans. Soulagé??
Très franchement, j’aurais ressenti un manque énorme au plus profond de moi si je n’avais pas pu être de l’aventure Paris 2024. Depuis que je sais que j’en ferai partie, je suis aux anges. Quelque part, cela veut dire que le public m’aime encore après toutes ces années. Je ne pouvais pas rêver mieux que de boucler la boucle avec les Jeux de Paris, mes seizièmes Jeux, été et hiver confondus. Quand j’y repense… C’est énorme.
Vivre des Jeux à Paris, ce n’est qu’une fois dans une vie et j’ai cette chance immense.
Quelle sera votre place dans le dispositif de France Télévisions??
J’aurai encore une place hyperprivilégiée. Quoi de plus beau que de vivre Paris 2024 au bord de la piste d’athlétisme du Stade de France et au bord du bassin de la Défense Arena?? L’athlétisme et la natation ont toujours été à mes yeux les sports rois des JO.
La simple idée de pouvoir interviewer celles et ceux qui seront les stars de ces Jeux en France, dans des écrins magnifiques, et d’en partager l’émotion avec les téléspectateurs, m’emplit de bonheur. Si on m’avait proposé un autre rôle, un autre sport, car il n’y a pas de chasse gardée, j’aurais accepté. Vivre des Jeux à Paris, ce n’est qu’une fois dans une vie et j’ai cette chance immense. Avec des médailles françaises au micro, le moment ne serait que plus fort.
Carl Lewis restera comme le sportif le plus impressionnant qu’il m’a été donné d’interviewer
Les Jeux olympiques de Barcelone, en 1992, marquent le début de votre histoire avec les JO. Quel athlète vous a le plus marqué dans votre carrière??
Sans aucune hésitation, Carl Lewis. Si on m’avait dit, un jour, que j’aurais à mon micro la star mondiale de l’athlétisme… Plus qu’un géant du sprint et de la longueur qui a collectionné les médailles (quatre en or à Los Angeles en 1984?; deux en or et une en argent à Séoul en 1988?; deux en or à Barcelone en 1992 et une en or à Atlanta en 1996, NDLR), on parle de l’athlète élu « Sportif du siècle » par le Comité international olympique (en 1999). Par son talent, mais aussi par son allure, sa grâce sur la piste, Carl Lewis restera comme le sportif le plus impressionnant qu’il m’a été donné d’interviewer.
Parmi les centaines d’interviews réalisées, à laquelle décernez-vous la médaille d’or de l’émotion??
Il faut se replonger dans les Jeux de Londres en 2012. Le relais français du 4 x 100 m nage libre, composé de Yannick Agnel, d’Amaury Leveaux, de Fabien Gilot et de Clément Lefert, remporte l’or devant les États-Unis, au terme d’une course entrée dans la légende et d’un dernier relais supersonique. On venait de vivre un moment extraordinaire qui, pour moi, l’est devenu davantage encore quand, hors caméra, Yannick Agnel me glisse à l’oreille “Tu es comme notre cinquième relayeur.” J’étais ému aux larmes. C’était une marque de confiance hors du commun. Le genre de moments qu’on n’oublie pas.
Avec du recul, Michael Johnson, un immense champion et un garçon très sympa, avait eu raison de partir lors de l'interview
Les téléspectateurs n’ont également pas oublié votre marionnette des Guignols de l’info, ainsi que cette séquence devenue culte lors de laquelle l’athlète américain Michael Johnson, tout juste sacré champion olympique du 200 m à Atlanta en 1996, décide d’écourter votre interview…
Vous savez, j’ai un grand sens de l’autodérision. Avec du recul, Michael Johnson, un immense champion et un garçon très sympa, avait eu raison de partir (rires). Mes questions, suivies de la traduction en français, étaient trop longues. J’ai eu l’occasion de recroiser quelques années plus tard Michael Johnson qui a travaillé comme consultant pour la BBC. On a évidemment reparlé de cette séquence un peu gênante sur le moment, mais qui prête à sourire maintenant. Il m’a dit : “Grâce à vous, je suis connu en France.” Cela m’a beaucoup fait rire.
J’aimerais que le public du Stade de France soit à la hauteur de celui de Sydney et de l’événement arc-en-ciel
En attendant Paris, s’il fallait ne retenir qu’une olympiade, ce serait laquelle?? Sydney 2000 pour son merveilleux public, pas du tout chauvin, capable de pousser derrière les siens, et notamment le symbole de ces Jeux, Cathy Freeman, comme de supporter les autres athlètes. J’aimerais que le public du Stade de France soit à la hauteur de celui de Sydney et de l’événement arc-en-ciel.
À quel sportif vous rêviez de tendre le micro et vous n’avez pas eu l’occasion de le faire?? Que lui auriez-vous demandé?? Jesse Owens, quadruple médaillé d’or (100 m, 200 m, saut en longueur et relais 4 x 100 m) sous les yeux d’Adolf Hitler, à Berlin, en 1936. J’aurais aimé simplement lui demander ce qu’il ressentait en s’imposant dans un environnement aussi hostile. L’exploit de Jesse Owens allait évidemment bien au-delà du sport. Mais pour finir sur une note plus légère, en 1936, je n’étais pas encore né (rires).
Benjamin Gardel
benjamin.gardel@centrefrance.com