Au pied du château de Murol, les touristes se massent sur le marché du mercredi matin. Lunettes de soleil, tongs, il flotte comme un air de vacances sur la cité médiévale, prisée durant la période estivale. Au milieu des badauds, le major Laurent Passion et ses troupes déambulent dans les allées. À l’affût. Les gendarmes de la brigade autonome de Besse effectuent régulièrement des contrôles sur les marchés du secteur. Vérifier que les prix soient bien affichés, que les camelots soient en règle et bien enregistrés ou que les saisonniers soient bien en possession de leur contrat de travail, notamment. "On s’assure également qu’en cette période de JO, il n’y ait pas de contrefaçons avec la marque olympique ", ajoute le major Passion, enquêteur spécialisé dans le travail illégal.
De "major" à "Lolo"Côté marché alimentaire, les marmites mijotent, fument et crépitent. Les senteurs diverses sautent aux naseaux, les ventres gargouillent. Andouillettes, pieds de porc farcis, saucisses de pays, truffade… Au menu des gendarmes, des vérifications à faire. "Vous êtes salarié depuis quand??", demandent-ils à un saisonnier, derrière son stand alimentaire. "Deux semaines", répond le jeune homme, présentant son contrat d’embauche. Tous les stands seront un à un contrôlés. Les gendarmes ont directement accès au site de l’Urssaf, via leurs smartphones.Lorsqu’un maraîcher vient saluer le major. Les deux hommes se connaissent, au gré des marchés et des contrôles. Frédéric et sa femme arpentent le Sancy depuis sept ans. Le camping-car est déjà acheté en prévision d’une retraite bien méritée. Ce sera la dernière saison pour le couple de producteurs de Saint-Amant-Tallende. Ces tranches de vie, Laurent Passion, qui dirige la BTA de Besse depuis 2002 mais qui était affecté au PSIG (Peloton de surveillance et d’intervention) auparavant, les connaît par cœur.
"Ici, tout le monde se connaît. Les gens viennent nous parler"Il faut dire que cela fait vingt-cinq ans que le militaire puydômois sillonne les marchés du Sancy. Ici, ce gendarme est une figure du massif, un décor dans lequel il se fond parfaitement. Certains, d’ailleurs, ne l’appellent pas major, mais tout simplement "Lolo". "Il y a des commerçants qu’on connaît depuis des générations." Alors, forcément, des liens se tissent avec les habitants et les vendeurs. "Comment va la maman??", demande le militaire, croisant une jeune femme. "Ça va mieux", indique-t-elle.Au plus près de la population, l’ambiance est conviviale. "C’est mieux ici que dans les grandes villes, on est beaucoup plus au contact des gens. En ville, ils ne prennent pas le temps avec les commerçants comme on a la chance de pouvoir le faire ici. Là, tout le monde se connaît. Les gens n’ont pas peur de venir nous voir, nous poser des questions, ne serait-ce que pour demander un renseignement. Ici, il n’y a pas la peur de l’uniforme", décrit Ennora, 20 ans, gendarme adjoint volontaire depuis un an et demi à la brigade bessarde.Les contrôles se passent en toute cordialité. "Le but de ces contrôles, c’est de faire fuir les commerçants qui ne respectent pas les règles", précise le major. Ce à quoi acquiesce un vendeur de poulets rôtis. "Je trouve ça très bien qu’ils fassent des contrôles, au moins, ça enlève ceux qui ne jouent pas le jeu. Mais dans le Puy-de-Dôme, il y en a peu. Dans l’Hérault ou les Bouches-du-Rhône, on voit beaucoup plus de fraudes", explique ce commerçant. Les véhicules des camelots sont également passés au crible. Ce matin-là, le contrôle technique de l’un des utilitaires n’est pas à jour. Le commerçant en question sera verbalisé. "On a aussi des vendeurs ambulants dont le permis n’est pas à jour et qui embauchent un jeune juste pour se faire véhiculer", explique le major Passion.
L’œil des gendarmes se focalise sur un vendeur de nougats, qui est de passage au marché de Murol. Il vient de Montélimar, mais sa balance n’est pas en règle. Elles doivent être vérifiées tous les deux ans et une vignette doit être apposée dessus. Car si les balances sont fausses, cela peut favoriser les arnaques. "2019", indique celle du Drômois. "Oui, on m’a dépanné d’une balance car la mienne est en panne", explique le commerçant. Mais la "dépanne" n’a pas droit de cité sur les marchés. "Après, si vous voulez me mettre une amende, mettez-moi une amende?! C’est juste que la vignette n’est pas bonne…" "Vous ne pouvez pas exercer avec une vignette qui n’est pas bonne", rappelle le gendarme. L’homme est verbalisé. Le montant de l’amende sera ensuite fixé par le tribunal de police. "On s’est déjà vu la semaine dernière à Besse?!", sourit une apicultrice du Cantal. "On retrouve souvent les mêmes commerçants d’une année sur l’autre", indique Laurent Passion. Entre deux contrôles sur le marché, les gendarmes taillent le bout de gras. Parce qu’au-delà des verbalisations et de la prévention, c’est le contact humain qui prime. Et à la brigade de Besse, il n’est jamais au rabais.
Julien Moreau