Tour de France : Bardet, Vauquelin, Turgis... les Français vainqueurs d'étape mais largués au général

Avec un début de Tour de France en fanfare, les Français nous avaient laissé espérer à une Grande Boucle haute en couleur. Mais après trois semaines de course, nous ne retiendrons pas grand-chose de ce Tour de France, côté Français. Pire, nous sommes même en droit de nous demander si un grain de sable ne s'est pas coincé dans la roue du cyclisme national, malgré trois victoires d'étape.

Deux victoires en deux jours de course, un maillot jaune après une échappée spectaculaire, l'édition 2024 de la Grande Boucle ne pouvait vraisemblablement pas mieux démarrer pour le cyclisme français.

Orphelin de Julian Alaphilippe qui souhaitait se concentrer sur les JO et de Thibaut Pinot à la retraite, le Tour de France 2024 semblait néanmoins pouvoir s'appuyer sur l'expérience d'un Romain Bardet (DSM-firmenich), ainsi que sur la fougue d'un Kévin Vauquelin (Arkéa B&B Hôtels). Contrat parfaitement rempli en première semaine avec les victoires des deux hommes sur les deux premières étapes, auxquelles il faut ajouter, celle d'Anthony Turgis (TotalEnergies) sur les chemins blancs de l'Aube, lors de la neuvième étape. Mais après eux, le néant. 

Aucune victoire française à signaler sur les 12 étapes restantes. Et pourtant, il y avait quelques raisons d'espérer. Espérer, pourquoi pas, à une victoire de Bryan Coquard (Cofidis) ou d'un Arnaud Démare (Arkéa B&B Hôtels) revanchard au sprint. Espérer à une échappée victorieuse de Romain Bardet sur ses terres, lors de l'étape du Lioran. Espérer, enfin, au succès d'un baroudeur en troisième semaine. Un contrat presque rempli avec la deuxième place de Matteo Vercher (TotalEnergies) à Barcelonette (18e étape) derrière le Belge Victor Campenaerts (Lotto Dstiny) et devant le Polonais d'Ineos Grenadiers, Michal Kwiatkowski.

Le jeune coureur de 23 ans, tombé lors du départ fictif s'était glissé dans l'échappée et avait fait espérer les Français à une quatrième victoire tricolore sur le Tour.

Un jour plus tôt, c'était un autre jeune coureur du team, Jordan Jegat, 25 ans, qui s'était classé 9e.

À la vue de ces résultats, une chose est certaine, le team Total Energies est l'équipe française de cette 111e édition du Tour de France. Autres satisfactions, les échappées à répétition de l'ancien champion de France Valentin Madouas et de certains de ses coéquipiers à la Groupama FDJ, Romain Grégoire et Lenny Martinez, qui termine 11e à 3 minutes de l'imbattable Tadej Pogacar, dimanche à Nice.

À noter également dans les autres équipes, le courage de Julien Bernard (Lidl Trek) et de Guillaume Martin (Cofidis), souvent échappés, mais jamais récompensés de leurs efforts.

En remportant 6 étapes sur ce Tour de France 2024, Tadej Pogacar, qui s'est également adjugé le classement général est devenu, à 26 ans, le plus jeune coureur vainqueur de trois Grandes Boucles et s'est rapproché du record de victoires d'étape sur une seule et même édition, détenu par Eddy Merckx, avec 8 succès (1970 et 1974).

En remportant près d'un tiers des étapes de cette édition, "Pogi" n'a laissé que les miettes à ses concurrents, ainsi qu'à des Français, frustrés de se voir repris par le peloton Maillot jaune, souvent mené par les casques jaunes, équipiers du Slovène (UAE Team Emirates).

Une insatiabilité qui n'a pas manqué d'agacer et de frustrer certains coureurs français, à l'instar de Warren Barguil. Le grimpeur de la DSM-firmenich a déclaré au micro de France Info ne pas comprendre la stratégie de certaines équipes, même lors des étapes de transition : " Quand je vois que sur une échappée de transition où c'est tout plat, il n'y a qu'un seul coureur et qu'on ne lui laisse qu'une minute... franchement, je trouve ça débile", avait-il déclaré au terme de la 12e étape.

Et les équipes de leaders ne sont pas les seules à avoir "privé" de victoire les équipes et les coureurs tricolores, puisque les deux sprinteurs les plus en vue de ce Tour de France, Biniam Girmay (Intermarché - Wanty) et Jasper Philipsen (Alpecin Deceunink), se sont partagés 6 étapes, 3 chacun.

Où sont passés nos leaders, capables de remporter des étapes avec panache, comme Thibaut Pinot au sommet du Tourmalet en 2019, ou capables de conserver le maillot jaune sur plusieurs semaines, comme Julian Alaphilippe (14 journées en jaune en 2019) ?

Où sont passés nos Français capables de se joindre à la lutte pour le classement général comme ont si bien su le faire l'Auvergnat Romain Bardet ou le Franc-Comtois Thibaut Pinot par le passé ?

Le cyclisme français a-t-il perdu toute chance de jouer le classement général du Tour de France lors des 3 ou 4 prochaines années ? 

Lenny Martinez (Groupama-FDJ) sur le chrono de la dernière étape du Tour de France 2024 - 21/07/2024 - Tour de France 2024  

Au lendemain de la dernière étape, difficile de penser que nos futurs leaders se cachent dans les 141 coureurs ayant franchi la ligne d'arrivée à Nice. Surtout, quand le premier Français, Guillaume Martin (Cofidis), n'est que 13e, à plus de 43 minutes de l'ogre slovène.

Pourtant, quelques motifs d'espoirs subsistent. David Gaudu, 4e de l'édition 2022, arrivé sur le Tour avec la Covid, a confié au Télégramme, à l'issue de la dernière étape, "ne pas être à son niveau" et "ne jamais avoir fini un Tour aussi exténué que celui-là". Alors, nous attendions, peut-être, que Lenny Martinez, grand espoir du cyclisme français, prenne la relève. Mais annoncé comme partant de la Groupama, à la fin de la saison, le jeune grimpeur (21 ans), n'aura, malgré quelques échappés, pas marqué ce Tour 2024 de son empreinte. Toutefois, il reste, pour les années à venir, un coureur potentiellement capable de bien figurer au classement général. 

Au-delà des petits coups de moins bien des leaders français, il est de plus en plus difficile pour les équipes tricolores (Arkéa B&B Hôtels, Cofidis, Decathlon AG2R La Mondiale, Groupama-FDJ, TotalEnergies) de rivaliser avec les grosses écuries (UAE et Visma lease a Bike) qui représentent chacune, au moins 50 millions d'euros de budget. Un budget qui semble aujourd'hui nécessaire pour espérer des résultats sur les Grands Tours, et sans lequel, il est également compliqué d'attirer certains coureurs étrangers prometteurs.

La stratégie, celle de grandir petit à petit pour se hisser au rang des grandes équipes World Tour, était celle du team Decathlon AG2R La Mondiale cette année. Tout avait bien commencé, avec de nombreux succès (24) depuis le début de la saison. Mais voilà, arrivée au mois de juillet, la machine s'est enrayée sur les routes du Tour, véritable juge de paix de la réussite de la saison d'une équipe.

Présent occasionnellement dans les échappées, absent du Top 10 final, avec la 14e place de Felix Gall au classement général, à 46 minutes de "Pogi", le team français n'a pas su surfer sur son début de saison canon. Et ce malgré de nombreux investissements (changement de matériel entre autres...) permis en grande partie par l'arrivée du nouveau sponsor principal de l'équipe : Decathlon.

Alors, aujourd'hui, en 2024 et pour les années à venir, le visage de celui qui succèdera à Bernard Hinault (dernier vainqueur français sur le Tour de France, en 1985) semble toujours flou. Même, si, lorsque nous tendons attentivement l'oreille, nous entendons de plus en plus siffler la roue libre de potentielles relèves, à l'instar du tout jeune coureur du team Decathlon AG2R La Mondiale U19, Paul Seixas, 18 ans. 

David Allias