C’est une histoire de belles histoires qui dure depuis un demi-siècle. Née d’une idée simple mais dont le rappel reste toujours nécessaire : on peut être fier de sa culture et s’ouvrir à celle des autres.
Que réserve l'édition anniversaire des 50 ans du festival Cultures du Monde à Gannat ?
Cette aventure prend ses racines à Gannat et se déploie jusqu’aux confins du globe… Avant de revenir au cœur du Massif central. C’est l’histoire du festival des Cultures du monde. Qui débute il y a cinquante ans, lorsqu’une troupe amatrice de bourrée gannatoise est invitée à se produire à l’étranger, à l’occasion d’un événement qui réunit des groupes folkloriques du monde entier. Une épiphanie pour Jean Roche, alors membre de la troupe, qui se dit, tout simplement, qu’il pourrait faire la même chose à Gannat.
Un fondateur visionnaireUn demi-siècle plus tard, la place du champ de foire a été remaniée, mais elle accueille toujours l’événement, devenu emblématique. Et même si son fondateur est décédé en 2017, le festival des Cultures du monde, désormais porté par l’association éponyme, reste imprégné de l’esprit Jean Roche.
« C’était un précurseur, sourit Romain Bouchet, directeur bénévole du festival et vice-président de l’association. Il a eu à cœur de faire venir de nombreux autochtones, comme les Pygmées de Centrafrique, dont il faut préserver la culture, avant même leur inscription au Patrimoine culturel immatériel de l’Unesco (lire ci-dessous). Il a été visionnaire sur ce sujet et savait allier un programme où l’on découvre la culture d’un peuple, en plus de le voir se produire. »Aujourd’hui encore, la colonne vertébrale du festival repose sur ces deux piliers, des spectacles de musique et de danse, sur scène et dans les rues, et partout autour, des rencontres. Parfois même, là où on ne les attend pas, comme celle d’une danseuse russe et d’un salarié du festival, aujourd’hui mariés et parents de deux enfants. Rafael, venu de Colombie pour l’événement et désormais, lui aussi, salarié de l’association, est « devenu gannatois grâce au festival ».
« Ici, il y a un esprit qu’on ne trouve nulle part ailleurs »Sandra Reyes, elle, a découvert la ville en 1992, quand elle n’était encore qu’une enfant. Membre du collectif Los Maipucitos (originaire de Maipu, près de Santiago du Chili), elle a traversé le globe pour venir chanter et danser à Gannat. « Jean Roche avait repéré notre troupe un an auparavant et est devenu très ami avec mon père, Carlo, précise l’artiste. Grâce à ça, on a pu faire des tournées dans d’autres pays et bien sûr revenir à Gannat. Ici, il y a un esprit qu’on ne trouve nulle part ailleurs. »
Mais la belle histoire, celle qui boucle la boucle, ou presque, c’est celle de la compagnie Biemb’art. Celle-ci aussi donne le sourire à Romain Bouchet : « Jean Roche était au Congo pendant la guerre civile et en a ramené cinq jeunes artistes qui ont ensuite fait leur vie en France. Des années plus tard, pour cette 50e édition, ce sont eux qui ont créé la mise en scène de la cérémonie d’ouverture, en hommage au fondateur du festival. »
Des groupes emblématiques comme celui-ci, le festival en programme chaque année. Mais le directeur, qui n’aime pas tellement utiliser le mot « folklore », précise : « Tous les artistes sont des amateurs mais qui tournent à l’international. Les gens sont souvent surpris par la qualité des prestations : ce n’est pas passéiste ou stéréotypé. Il s’agit de démonstrations de pratiques réellement en cours dans chaque pays. Des pratiques vivantes, et naturelles ».
Comme ces chants sardes, aussi puissants qu’intimistes, dont les accords mélancoliques sont inscrits au Patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. Ou encore ces danses traditionnelles suisses, gaiement perpétuées par la Farandole de Courtepin.
Des traditions revisitéesMais les traditions sont faites pour être revisitées et les participants du festival s’en donnent à cœur joie. « Les groupes qui se produisent ici font énormément de compositions originales, ils arrangent leurs propres morceaux, s’enthousiasme le directeur. Comme le boys band du festival, Zafarrancho : ce sont des véritables crooneurs qui modernisent l’héritage traditionnel colombien sans se prendre au sérieux. »Les enfants du collectif Los Maipucitos ont fièrement défilé vendredi 19 juillet dans les rues de Gannat.
Mais les belles surprises de ce festival ne viennent pas que des hôtes venus de contrées lointaines. « On a des gens du coin, qui nous ont dit s’être perdus de vue pendant des années… Et s’être retrouvés au festival gannatois. Maintenant, ils s’y donnent rendez-vous tous les ans. Et s’ils manquent une édition, ils savent qu’ils s’y rejoindront à la suivante. »
En cinquante ans, Gannat est donc devenu le carrefour de belles rencontres, qui, indépendamment de leur origine, surgissent toujours là où on ne les attend pas. Et c’est bien ce qui fait tout leur charme.
Texte Sandrine Gras
Photos François-Xavier Gutton
DiversitéL’association Cultures du monde, partenaire officiel de l’Unesco, promeut le patrimoine immatériel. Une tente dédiée à la diversité culturelle permet à des intervenants venus du monde entier de partager leur héritage à travers des récits, des discussions sur les risques et richesses culturels et des activités de transmission. Cette année, chaque pays représenté a contribué à concevoir une fresque collective avec, pour chacun, un arbre traditionnel symbolisant leur culture. Le festival offre ainsi une plateforme précieuse pour renforcer les liens entre les peuples à travers la reconnaissance et la valorisation de leurs traditions immatérielles. Anthony Huet
Le festival des Cultures du monde se déroule jusqu'au dimanche 21 juillet inclus. Programme et renseignements ici.