En Auvergne, le député PCF à la moustache blanche est surnommé "Dédé". Depuis 2002, André Chassaigne porte la voix de la ruralité et du monde agricole à l'Assemblée nationale. À 74 ans, il pourrait en devenir le premier président communiste.
Le 30 juin au soir, les proches d'André Chassaigne ont la mine des mauvais jours. Le député communiste sortant du Puy-de-Dôme est talonné par la candidate RN, inconnue dans les terres de Thiers à Ambert. Lui en est le visage depuis plus de deux décennies. Il traîne sa moustache blanche inlassablement, de village en village. Qui ne connaît pas Dédé dans les 132 communes de la 5e circonscription du Puy-de-Dôme ? Il s'est emparé de tous les mandats locaux : maire, conseiller régional d’Auvergne, conseiller général du Puy-de-Dôme, député.
Réélu pour un sixième mandatJeudi 4 juillet, le voilà en train de serrer des paluches. On le sent tendu. Sur les marchés, des habitants lui confirment que, si d'ordinaire leur voix se porte sur lui, cette fois elle ira vers l'extrême droite. "C'est stupéfiant, les jeunes suivent Jordan Bardella sur TikTok, ce qu'il a réussi à faire est impressionnant", concède celui qui est encarté au PCF depuis ses 16 ans. Son équipe a trouvé la parade : voilà Dédé nouvelle star du réseau social, ses vidéos dépoussièrent l'image du candidat septuagénaire. Il est reconduit pour un sixième mandat.
Le revoilà donc à l'Assemblée nationale, confortablement réélu. Et maintenant, en route pour viser le perchoir sous la bannière du NFP. Son nom a finalement convaincu les socialistes, les écologistes et... les insoumis. Tout sauf une évidence tant cet ancien principal de collège partage avec Jean-Luc Mélenchon une histoire tumultueuse.
Candidat à la présidentielle et rival de MélenchonRemontons à 2011. Chassaigne est incontournable en Auvergne où, malgré l'étiquette communiste, l'élu jouit d'une image assez consensuelle. Il s'est bâti un bastion dans le Puy-de-Dôme. Si bien qu'il envisage un destin national. Il se verrait bien porter les couleurs du Front de gauche pour la présidentielle de 2012. Seul écueil et non des moindres, sa candidature l'oppose à celle de Jean-Luc Mélenchon, autrement plus médiatique que le discret député auvergnat, défenseur d'une écologie sociale. Les communistes se rangeront finalement derrière le futur leader de la France insoumise.Il est élu à l'Assemblée nationale depuis 2002.
L'inimitié des deux hommes va demeurer. Cinq ans plus tard, Mélenchon brigue la présidentielle alors que le champ a été laissé libre, à gauche, par l'abandon de François Hollande. André Chassaigne, qui a espéré se lancer dans la bataille, ne lui apportera pas son parrainage de député. Et son fils François, nouveau maire du fief familial de Saint-Amant-Roche-Savine, l'offrira à Philippe Poutou (NPA). Un affront pour Mélenchon qui qualifiera avec mépris le village de "bled".
Voix respectée à l'Assemblée nationaleDédé Chassaigne, carrure imposante, revendique cet ancrage, ce lien à la ruralité. Son accent l'illustre lorsqu'il prend la parole à l'Assemblée nationale. Sa famille administre la mairie de Saint-Amant-Roche-Savine depuis trois générations. Ce récit et les combats portés par l'auteur de Pour une terre commune en ont fait une figure respectée de l'hémicycle. En 2008, il a avait mis à mal le projet de loi du gouvernement de François Fillon sur les OGM. Avant de porter, sous le premier quinquennat Macron, un projet de loi sur l'augmentation des retraites des agriculteurs.
Après qu'il a contenu la vague macroniste en 2017, les législatives de 2022 devaient être sa dernière campagne. La dissolution l'a renvoyé labourer le terrain à 74 ans. Redevenu président du groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine, le voilà face à un défi inattendu. Il pourrait devenir, jeudi 18 juillet, le premier communiste élu président de l'Assemblée nationale.
Malik Kebour
