Humiliations, coups de poing, crachats, insultes à profusion… Depuis le mois de mars, l’existence de cette jeune femme frêle et fragile à la voix mal assurée et encore mouillée de larmes, ressemble à un calvaire. Pourtant, elle est encore amoureuse de son agresseur, triste de voir ce qui lui arrive et ne veut pas porter plainte contre lui.
Sur son corps, de nombreux bleus, traces de sévices, mais aussi des scarifications qu’elle s’est, elle-même, infligées. « Des fois, il m’attrapait au cou, il me serrait… » a-t-elle raconté aux enquêteurs.
« De mauvaises fréquentations »Ce jeudi 11 juillet, son compagnon, âgé de 19 ans, taille moyenne, cheveux courts, petite moustache et gros cernes sous les yeux, était accoudé dans un bar briviste. Le jeune homme ne boit jamais, mais fume, selon ses propres dires, entre 30 et 40 joints par jour. Il a appelé sa victime pour lui demander de lui apporter du cannabis. En la voyant arriver en voiture, avec ses deux amies, qu’il considère comme de « très mauvaises fréquentations », il a pété les plombs. Il s’est joint à elles dans le véhicule, a ordonné à sa compagne de démarrer et lui a assené plusieurs coups de poing, avant de la menacer, elle et deux autres jeunes femmes avec un couteau papillon.
« Je lui mettais une claque ou deux, pour qu’elle comprenne »« Le couteau, c’était pour moi. Je voulais que ma vie s’arrête », a-t-il expliqué à la barre du tribunal. « Je lui mettais une claque ou deux, pour qu’elle comprenne », a-t-il ajouté. « Je suis un bon. Elle ne vous parle pas de tout le bien que je lui dis. »
Ce sont les personnels de Burger King drive, du côté du cinéma CGR à Brive qui ont donné l’alerte en voyant la jeune femme avec le visage en sang. Débarquées un peu plus loin, à un rond-point, ses deux amies ont fait de même. Mais, avant, elles ont enregistré la conversation dans le véhicule, pleine d’injures et de bruits sourds de coups de poing. La victime a été entendue au commissariat par les enquêteurs, puis prise en charge par une assistante sociale. Celle-ci l’a immédiatement mise en lien avec la Maison de soie de Brive, qui accueille des femmes, victimes des violences.
Domination et empriseVendredi, durant l’audience, le jeune prévenu n’a pas arrêté de nier, tergiverser, demander qu’on lui donne une dernière chance, sans un mot d’excuse pour sa victime.
L’audience a démontré la domination et l’emprise psychologique qu’il exerçait sur sa victime. Pour ne rien arranger, l’homme est déjà impliqué dans une autre affaire criminelle, suivie par le juge d’instruction de Limoges qui lui a interdit de revenir à Brive.
« Choquée et rassurée »Dans son réquisitoire, la procureure de Brive, Émilie Abrantes, qui s’est beaucoup impliquée dans la mise en place du dispositif de prise en charge des femmes victimes de violences, a insisté.
« Je suis, à la fois, choquée et rassurée de cette audience. Choquée, parce qu’il aura fallu une de mes dernières comparutions immédiates dans cette juridiction, avant que je ne la quitte pour d’autres aventures, ailleurs, pour arriver à voir s’exprimer ce qui serait peut-être une illustration caricaturale d’un dossier de violences conjugales dans toutes ses dimensions. »
Et la magistrate de continuer. « Je suis aussi rassurée, et c’est une grande satisfaction pour moi, de voir tous les dispositifs mis en place contre les violences faites aux femmes, réunis aujourd’hui, qui démontrent leur efficacité. Mes réquisitions ne seront pas celles de “gloriole”, mais de remerciements pour tous les acteurs de ce dossier. »
Une relation toxiqueEnsuite, la procureure a dessiné les contours d’une relation toxique où « l’annihilation, la chosification de l’autre » sont la règle. Avant de requérir contre le jeune prévenu 18 mois de prison dont six avec sursis, avec un mandat de dépôt à l’audience.
Pour la défense, dans une plaidoirie de plus d’une heure, dont il a le secret, Me Labrousse a, entre autres, tenté de mettre en doute la véracité des témoignages de la jeune femme et de ses amies. Et de relativiser : « Deux jours d’ITT, voilà de quoi il s’agit. » Il n’a pas convaincu le tribunal qui est allé même au-delà des réquisitions. Emirhan Topal a été condamné à deux ans de prison avec un sursis de six mois et un mandat de dépôt à l’audience.
Dragan Perovic