Franck Pamart est non-voyant. Voilà, c’est dit, mais nous ne nous y attarderons pas. Car s’il y a une chose que Franck déteste, c’est que ce soit uniquement son handicap qui fasse parler de lui. Il a bien d’autres choses à raconter !
Ce kinésithérapeute à la retraite, -enfin, plutôt active, la retraite - est aussi un sportif accompli, membre du club Courir en Livradois Forez depuis plus de 10 ans. "J’ai passé 28 ans à l’hôpital d’Ambert où je suis venu pour me rapprocher de mes parents, relate-t-il. J’ai pris mon poste de kiné au Service de Suite et de Réadaptation (SSR) en 1995."
Maître Jean, de sa table d'écolier à son bureau de directeur
Et puis, il y a une dizaine d’années, Franck a envie de reprendre une activité sportive. "Je ne savais pas trop laquelle, raconte-t-il. J’avais pratiqué le judo, le karaté quand j’étais môme. J’ai toujours été sportif. En 90, j’ai même été niveau ceinture noire en aïkido mais je n’ai pas pu passer l’épreuve car, à cause de mon handicap, je ne maitrisais pas la partie avec armes. J’ai commencé à courir avec Dany Duret, puis Hassan Kahaloun, qui faisaient partie de Courir en Livradois Forez (CLF). Ils m’ont dit “pourquoi tu ne viens pas au club ?”"
Le "Gang des ferrailleurs"C’est ainsi que, une fois le club intégré, le kiné a commencé à bénéficier des conseils de Patrick Chassagnon, alors président du club et entraîneur.
Je lui ai vite demandé si je pouvais envisager un marathon. Il m’a répondu : ”Pourquoi pas ? Mais il faudra un entraînement spécifique”.
La complicité des deux hommes se noue alors avec pour objectif premier le marathon de Paris "car je suis parisien", explique Franck.
Malheureusement, lors de la préparation, Franck participe au semi-marathon de Vichy et il est victime d’une fracture d’effort au 16e kilomètre. S’ensuit l’abandon de son rêve et "une grosse déprime".
Première expérience sur le Thiers-RoanneFranck et son guide reprennent toutefois les entraînements tout doucement, mais cette fois, c’est la crise du Covid qui va mettre fin aux espoirs de marathon. Franck avance en âge et de l’avis de Patrick, la course ne lui est peut-être plus tout à fait adaptée. « On courait 10 kilomètres, mais le cardio de Franck était toujours un peu haut, raconte l’entraîneur. Je lui ai donc proposé de passer à la marche nordique. "Et là, je suis tombé de mon piédestal déjà instable !", rebondit Franck.
Mais les deux hommes s’y mettent quand même et se prennent au jeu. "On était alors reliés par un lien de guidage, relate Franck, et au début on s’emmêlait les bâtons de marche, les jambes. On était surnommés “le Gang des ferrailleurs” car on n’avait pas d’embout en caoutchouc à nos bâtons."
Le duo arrive toutefois à se synchroniser, Patrick propose de passer à la vitesse supérieure avec la rando-course. "C’est une invention à lui, commente Franck. On court dans les descentes et sur le plat, on marche dans les montées et parfois sur le plat."
La première expérience pour tester ce nouveau concept, c’est le Thiers-Roanne en décembre 2022. Franck prend le départ avec Patrick et son épouse. Le trio finit l’épreuve et passe la ligne d’arrivée au bout de 12 h 30 d’effort. Un résultat qui redonne à Franck confiance et détermination.
Mais la grande aventure que le duo va connaître, c’est sans aucun doute de relier Ambert à Nonette. "Patrick me l’a proposé l’été dernier, raconte Franck. Nonette, c’est le village de mes parents près d’Issoire."
Durant un an, Franck va donc se préparer avec Patrick mais aussi avec un deuxième coach, Jean-François Combe. « J’ai fait un entraînement par semaine avec chacun d’eux. Patrick avait concocté un programme spécial comme il le fait pour chaque personne qui suit ses entraînements. » Une préparation indispensable pour couvrir les 60 kilomètres de distance, assortis de quelque 1.200 mètres de dénivelé positif.
Ce sont donc neuf membres de CLF qui ont pris le départ de la mairie ronde samedi 1er juin à 5 heures du matin aux côtés de Franck. Car cette aventure a aussi permis de rallier plusieurs membres du club.
Ça a créé un gros esprit de solidarité
Une confiance énorme et réciproqueEt à ce que raconte l’entraîneur, "ça a été une grosse émotion quand j’ai dit à Franck qu’on était à 100 mètres du panneau Nonette". Franck, lui, estime que tout ça n’aurait jamais été possible sans son guide : "La confiance est énorme et réciproque. Dans le guidage, on n’a même plus besoin de se parler".
En attendant d’envisager une autre performance, Franck prodigue massages et séances de sophrologie. Une pseudo-retraite qui lui laisse toutefois le temps de faire du yoga et de continuer l’entraînement. Patrick, lui, revient sur cette formidable expérience : "Tout le sens d’un club, c’est d’accueillir, et de favoriser une pratique au-delà du handicap, être ouvert à tout le monde".