Des crayons de toutes les couleurs, des pinceaux par dizaines, des tableaux, des dessins, des petites constructions en bois... Le premier étage du Centre de rééducation et de réadaptation fonctionnelles (CRRF) de Noth a des allures d’atelier d’artiste. Et pour cause, c’est là que se tient chaque mardi après-midi l’atelier de peinture de l’établissement. « C’est une bulle de décompression que l’on propose aux patients, explique Mireille Juliet, l’animatrice socioculturelle de l’établissement. Ils sont libres de venir quand ils le veulent. C’est un moment de détente, pour s’extérioriser. »
« Lâcher du lest »« On porte des blouses blanches, mais nous ne sommes pas du monde médical, souligne Rebecca Oliver, artiste verrière à Fursac, qui intervient lors de ces ateliers. En arrivant ici, les patients ont souvent vécu de gros changements physiques ou moraux. L’idée, c'est de leur proposer un moment où ils puissent s’amuser, lâcher du lest. C’est aussi un moyen d’apprivoiser un corps qui, souvent, a changé, de leur montrer qu’ils sont encore capables de faire des choses. À travers la peinture ou d’autres créations, ils trouvent un bien-être. Parfois, c’est juste une carte qu’ils enverront à leurs petits-enfants. À la fin, ils ont réalisé un objet dont ils sont fiers, un souvenir de leur hospitalisation autre qu’un souvenir de peine et de douleur. Certains patients viennent aussi simplement voir, échanger avec les autres », souligne l’artiste.
Elle-même trouve ici une forme d’épanouissement : « Dans mon atelier, je suis très seule. Ici, il y a des échanges très forts avec les patients. Suite au Covid, je me suis pas mal questionnée sur mon utilité sur cette planète et ici, j’ai trouvé ma place. »
Moi, ça me permet de sortir de ma chambre, d’être au contact des autres et d’apprendre énormément, confie Jean-Louis. J’ai vu des gens arriver en pensant qu'ils ne savaient rien faire et qui ont réalisé des choses formidables. C’est vraiment un plaisir de venir ici.
« Je viens pour m’occuper l’esprit, les mains, ajoute Stéphane. Sinon, on reste dans son coin. Je ne savais pas dessiner, mais Rebecca m’a appris. Ce qui est dommage, c’est que ce n’est qu’une fois par semaine ».
« Ça m’aide dans ma rééducation »Depuis 12 ans, Meruzhan Karapetyan effectue régulièrement des séjours au CRRF de Noth. Son état physique ne lui permet pas de dessiner ou de bricoler comme d’autres patients, mais « j’aime bien rester avec eux, dit-il. Je donne mon idée et un autre la dessine pour moi. Ça me permet d’oublier la rééducation. » Une rééducation à laquelle peut d’ailleurs contribuer l’atelier, en complément des soins proprement médicaux. « Des jeux simples peuvent par exemple aider des patients qui ont perdu l’usage d’une main à apprivoiser l’autre main. Pour des troubles de la concentration ou verbaux aussi », commente Mireille Juliet.
Pour Meruzhan, amateur de scrabble, le fait de manipuler les lettres est « bon pour le cerveau et les mains, confie-t-il. C’est de la rééducation passive, sans se fixer d’objectif. On travaille en s’amusant. » « Ça me donne le moral, je vois du monde et ça m’aide dans ma rééducation, c’est très important », témoigne aussi Laurence. Des mots qui illustrent les vertus de cet atelier, mais le large sourire qu’arborent tous les participants en dit peut-être encore plus que les mots.
Nicolas Barraud
