Les fans du cultissime Cinquième Élément risquent d’être déçus. Pour l’heure, le taxi volant « de la vraie vie » ressemble plus à un drone géant qu’aux voitures mutantes qui slaloment entre les gratte-ciel dans le film de Luc Besson. Et il est loin de faire l’unanimité.
De quoi s’agit-il ?Le Volocity a été conçu par la start-up allemande Volocopter. La présentation – forcément 100 % élogieuse – accessible sur le site internet de l’entreprise vante « un taxi aérien à un niveau supérieur, sans bruit et sans émission », destiné à « transporter des passagers entre les hubs tels que les gares et les aéroports », avec la promesse de déplacements « plus fluides, plus rapides et plus pratiques ».
Dans le détail, l’aéronef est coiffé d’une couronne de onze mètres de diamètre comprenant dix-huit moteurs, reliés à autant d’hélices. L’énergie este fournie par neuf batteries lithium-ion, toutes échangées en quelques minutes après chaque course pour être rechargées.
La carte d’identité officielle du Volocity mentionne également une autonomie de 35 kilomètres – plutôt limitée donc – et une vitesse maximale de 110 km/h. Dernière précision, et pas des moindres : à ce stade, l’appareil ne peut accueillir qu’un seul passager en plus du pilote.
Pourquoi ça grince ?À rebours de l’enthousiasme du fabricant, les (nombreux) détracteurs du Volocity crient à l’enfumage. Une dizaine d’associations ont constitué un collectif « anti-taxis volants » et lancé une pétition en ligne, qui a recueilli près de 16.000 signatures. Elles accusent pêle-mêle l’appareil d’être « toxique » – il consommerait « 12 fois plus d’énergie qu’une voiture électrique » et « autant à l’utilisation qu’une voiture thermique » ; « nuisible », avec un niveau sonore estimé à « environ 70 décibels », suffisant pour « avoir des effets sérieux sur la santé humaine » ; et même « dangereux », car « facile à détourner pour être projeté sur un site touristique ».
Autre grief : en confiant l’exploitation de l’engin à Aéroports de Paris (ADP), avec le soutien de la Région Île-de-France, « on jette par la fenêtre de l’argent public afin de financer une lubie qui ne sert à transporter qu’une seule personne à un prix élevé, et qui ne répond donc absolument pas aux besoins de mobilité du plus grand nombre », dénonce Christine Nedelec, présidente de SOS Paris, l’une des organisations membres du collectif.
Mais l’opposition dépasse de loin le simple cadre militant. L’Autorité environnementale a jugé l’étude d’impact du projet « incomplète », alors que le commissaire chargé de l’enquête publique a conclu que le projet « ne présentait pas d’intérêt a priori » s’il restait centré sur des vols purement commerciaux. Les élus parisiens de tous bords dénoncent eux une « aberration environnementale ».
Mi-juin, Dan Lert, adjoint à la Transition écologique au Conseil de Paris, pointait auprès de l’AFP « du greenwashing à l’état pur », source d’après ses calculs « d’émissions de gaz à effet de serre 45 fois supérieures à un trajet en métro ».
La responsable associative est d’autant plus remontée que « l’expérimentation ne se fait pas sur un secteur isolé, afin de limiter les risques, mais au-dessus de l’une des agglomérations les plus densément peuplées du monde ! » « C’est invraisemblable, totalement aberrant et potentiellement assassin », lâche-t-elle.
Associations et élus avaient néanmoins anticipé le coup et travaillé en amont à un éventuel recours en justice. Dès ce mardi, les uns et les autres se préparaient à saisir le tribunal administratif pour demander la suspension de l’aval gouvernemental. Et stopper l’envol du Volocity.
Stéphane Barnoin