Bartolomé Lenoir a été élu, dimanche, député de la Creuse avec 37,69 % des voix. Au lendemain de sa première victoire électorale, il répond à nos questions.
Votre première réaction à l’annonce des résultats creusois dimanche ?J’ai attendu un peu avant de me réjouir, sachant que c’était quand même serré et puis l’écart a grandi au fur et à mesure. Mais évidemment, une joie, parce qu’on a beaucoup travaillé avec l’équipe pour permettre cette élection.
Votre premier coup de fil ?Je pense que c’était un de mes deux grands-pères. Et après, j’ai eu Éric Ciotti. Il était heureux pour moi et moi, j’étais aussi heureux pour lui puisqu’il a été réélu.
Votre premier sentiment ce lundi matin ?C’est assez impressionnant. Le sentiment de la fierté des Creusois qui ont voté pour moi, qui ont eu le courage de voter pour la droite, ici. C’est quand même la première fois que cette circonscription devient de droite.
Donc, voilà, un sentiment de reconnaissance incroyable pour tous ces électeurs-là, et puis pour l’équipe qui s’est engagée à fond. Dans un deuxième temps, c’est aussi une crainte importante d’une Assemblée qui va être très difficilement gouvernable.
Je ne l’ai jamais caché, je suis en contradiction puissante avec le programme du Nouveau Front populaire.
Dans la Creuse, le RN-LR envoie Lenoir à l'Assemblée nationale
Vous pouvez nous rappeler vos premiers pas en politique ?Je suis sorti de l’école de commerce de Lyon à 25 ans et j’ai créé une entreprise de mobilier, exclusivement fabriqué en France. J’ai fait ça pendant cinq ans. Ce qui me plaisait, c’était de défendre le made in France. Peu à peu, j’ai eu envie de faire de la politique, et j’ai été repéré par l’association Contribuables associés qui m’a proposé le poste de directeur général en décembre 2021, quelques mois avant l’élection présidentielle. Nous avions interrogé tous les candidats et Valérie Pécresse nous avait envoyé Éric Ciotti. Qui m’a appelé quelques mois plus tard pour le rejoindre quand il a pris la présidence des Républicains.
On était en adéquation sur nos idées et nos valeurs. Et je suis devenu un de ses conseillers politiques, je travaillais essentiellement sur les sujets nationaux avec lui. J’étais en faveur de cette union des droites et ça s’est conclu par une candidature lorsqu’il a décidé de faire cette alliance avec le RN.
Et à un niveau plus local ?En même temps que cet engagement politique, j’avais la volonté de revenir un peu dans la Creuse. Et j’en avais parlé à Éric Ciotti. En novembre dernier, il y a eu l’élection de la présidence à la fédération. J’ai été élu, c’est comme ça que je suis arrivé politiquement en Creuse. Je voulais de plus en plus m’implanter et après je me suis présenté sur la liste de François-Xavier Bellamy pour les Européennes.
Vous pensiez siéger dans la majorité et finalement, vous serez dans l’opposition. Pour vous dire très honnêtement, je ne sais pas du tout comment ça va se passer. Je pars tout à l’heure pour l’Assemblée. Je sais qu'on a un groupe avec Éric Ciotti puisqu’on a 17 députés. Maintenant, je ne sais pas du tout ce qui va se passer pour les Républicains, qui va s’accrocher à quoi… On voit manifestement qu’il y a des tractations. Enfin, je ne sais pas, je n’ai aucune info là-dessus.
Vous pourriez vous rapprocher d’autres partis que le RN ?Je suis soutenu par le RN et je tiens à être fidèle à ce soutien.
Il y a un groupe de cette union des droites qui existera et qui, évidemment, travaillera de concert avec le RN. Je ne vais pas dire l’inverse.
Il n’y aura pas de travail avec d’autres groupes, on sera aligné avec le RN.
Comment la Creuse a succombé au RN
Au niveau local, vous restez président ?Oui, pour l’instant mon mandat va jusqu’à 2027. Après, je ne veux pas faire de langue de bois, donc je ne sais pas encore ce qui va advenir de ma présidence de la fédération locale.
Vous allez convoquer une réunion avec cette fédération ?Je pense qu’il faut attendre de voir ce qui va se passer nationalement pour le parti. Mais effectivement, je vais rassembler quand même ceux qui m’ont soutenu, déjà pour discuter.
Parce que vous espérez que des figures creusoises LR, au-delà de Jean Auclair, reviennent vers vous maintenant ?Moi, je n’espérais rien. Pour l’instant, j’ai fait une campagne de terrain avec la base. Je n’avais pas beaucoup d’élus avec moi, vous avez pu le noter. Madame Simonet en avait beaucoup plus que moi.
C’est le peuple creusois qui a parlé et c’est ce que je compte bien continuer à faire : travailler avec les gens qui n’ont pas forcément de poste, qui ne sont pas forcément élus mais qui ont de vraies convictions.
Je commence à avoir de plus en plus de maires qui m’appellent.
Votre premier déplacement de député sera…Sur le Tour de France, puis le 14 juillet.
Et vous verra-t-on rapidement dans les communes ?Oui, je vais aller sur différentes communes. Et puis, il y a la rentrée parlementaire le 18 juillet.
Un premier commentaire sur les résultats nationaux…Moi, ce qui me désole, c’est qu’au vu du scrutin et du nombre de voix, on a une Assemblée qui ne ressemble pas à ce que souhaitent les Français. Ensuite, aucun groupe n’a de majorité. On a ces trois pôles dont on parlait, oui, de façon assez équilibrée.
Mais on se retrouve dans une situation assez incroyable où les institutions de la Ve République sur un système majoritaire nous donnent quand même une Assemblée difficile à gérer.
En tout cas, j’ai une grande inquiétude sur la force du Nouveau Front populaire dans l’Assemblée. Je vais essayer au quotidien de me battre contre cette Assemblée.
Comment la Creuse, qui est à contre-courant cette fois-ci, va exister au national ?Je pense que c’est dans ce cadre-là qu’on peut réussir à obtenir des choses. Parce que je pense que la Creuse a montré aujourd’hui un attachement si profond à sa culture et une résistance face à l’émergence du Nouveau Front populaire. Et quand vous faites la somme de mes voix et de Valérie Simonet, ça va loin dans le bloc de droite. Si ma victoire s’était fondue dans celle d’un RN à 300 députés, j’aurais été un parmi les autres. Or, là, je suis un élu dans une Assemblée qui est quasiment à l’équilibre et avec un succès du RN plus faible qu’on pouvait l’attendre.
Comment allez-vous vous partager le rôle avec votre suppléante ? Elle ici et vous à Paris ?Non. Les mardi et mercredi, je serai à Paris évidemment. Et le reste de la semaine à Lépaud. Je vais être tout le temps sur le terrain.
Le premier sujet que vous voudriez porter pour la Creuse ?L’agriculture, ça fait partie de l’identité creusoise. Je pense que je vais entrer dans la commission des affaires économiques pour ça. C’est un des premiers sujets sur lesquels je vais bosser à partir de la semaine prochaine. Autre sujet : je veux avoir des informations sur tout ce qui est migrants, mineurs isolés qui sont arrivés dans la Creuse.
Pour… ?Ça me semble important de pouvoir donner des chiffres a minima aux Creusois. Pour savoir ce qu’il se passe exactement.
Parce qu’il y a eu une directive de Macron qui envoyait, a priori, les migrants vers la campagne. Je ne sais pas du tout ce qu’il en est de la Creuse. Je veux juste savoir ce qu’il en est avant de tirer des conclusions. Les gens ont le droit de savoir.
Allez-vous garder Jean Auclair comme conseiller ?Je ne sais pas si c’est mon conseiller mais, en tout cas, moi, je n’ai aucune honte à lui dire merci parce qu’il m’a aidé. Je pense que c’est un excellent homme politique. Je suis modeste aussi. Je ne vais pas tout connaître, tout comprendre. J’ai besoin d’hommes comme lui qui ont une expérience pour m’aider à être un député performant.
Propos recueillis par Séverine Perrier et Floris Bressy
