Les débuts avec Maître Jacques n’ont pourtant pas été simples. « Au début, avec Anquetil, on ne s’entendait pas. Il y avait les séquelles du Tour 58 (les deux hommes avaient été adversaires, N.D.L.R.), nous confiait “Gem” en 2015. Il ne me voulait pas comme directeur sportif. Il avait exigé que ce soit son ancien “DS” chez Potin qui vienne chez Saint-Raphaël. Cela a été une catastrophe. Le père Augier (un dirigeant de Saint-Raphaël) était en pétard : “Je veux Géminiani”. Et je suis parti comme ça dans le Tour de France 1962. On finit avec le maillot jaune pour Anquetil, le maillot vert pour Altig et le grand prix par équipes. »
Le duo Géminiani-Anquetil venait de frapper un premier coup. Avant de devenir une véritable machine à gagner. L’année suivante, le Normand s’adjugeait le Tour de France et le Tour d’Espagne, devenant ainsi le premier coureur à remporter les trois grands tours (Giro, Tour de France et Vuelta). Un an après, Anquetil entrait un peu plus dans l’histoire en inscrivant une cinquième fois son nom au palmarès du Tour. Une première.
Géminiani est devenu un ami, un confidentAu total, en huit saisons passées sous les ordres du “Grand Fusil” (de 1962 à 1969), Maître Jacques a fini de se forger l’un des palmarès les plus prodigieux de l’histoire du cyclisme. Au fil du temps et des succès, une véritable complicité s’est nouée entre les deux hommes. De directeur sportif pas désiré au départ, Raphaël Géminiani est devenu un ami, un confident. Qui n’a pas hésité à proposer les paris les plus fous à son protégé. Comme en 1965, en lui faisant enchaîner en moins de 24 heures, Critérium du Dauphiné (course de huit jours) et Paris-Bordeaux (près de 600 kilomètres). À peine le temps de savourer sa victoire à Avignon, le Normand a sauté dans un avion pour rejoindre Bordeaux, où il a pris le départ, à 2 h 30 de Bordeaux-Paris. Seize heures plus tard, il s’imposait en solitaire au Parc des Princes.
En 1967, Géminiani lançait un nouveau défi à Anquetil : battre le record de l’heure. Mission accomplie par Maître Jacques, alors âgé de 33 ans. Mais son record (47,493 km) n’a finalement pas été homologué car le Normand ne s’est pas présenté au contrôle antidopage.
Jacques Anquetil décidera finalement de raccrocher définitivement le vélo en décembre 1969, avant de décéder en novembre 1987 des suites d’un cancer à 53 ans.
Manuel Caillaud