Le trompettiste Ibrahim Maalouf s'était produit en 2010 au festival de Jazz au fil du Cher, au pré de Chauvière, à Lavault-Sainte-Anne. Il revient pour la 20e édition, qui se tient du 16 au 21 juillet prochain, mais au centre Athanor de Montluçon où il s'était déjà produit en 2016, alors programmé par le 109 (scène de musiques actuelles de Montluçon).
C'est la tête d'affiche de cette édition anniversaire, dévoilée lors d'une conférence de presse, le 25 avril. Entretien
En 2007, je vous avais interviewé alors que venait de sortir votre premier album “Diasporas”. Quel regard portez-vous sur ces dix-huit années passées ?
"À ce moment-là, je n’aurais jamais imaginé que ma vie ressemblerait à ça. Je n’en aurais même pas rêvé. J’ai été chanceux. J’ai rencontré des gens qui m’ont encouragé, aidé. Mais je ne suis pas du style à regarder en arrière. Peut-être qu’un jour, je serai nostalgique. Je m’accompagne par la musique. J’ai commencé à 8 ou 9 ans à faire des concerts. C’est naturel chez moi."Ibrahim Maalouf en avril 2016, à Athanor. (Photo Florian Salesse)
En 2010, vous avez remporté une Victoire du jazz. En 2014, une Victoire de la musique. Où vous situez-vous ?
"Je n’ai jamais trop réfléchi avec un langage de musicien. La musique est pour moi quelque chose qui sort du cadre, qui n’est pas spécifiquement lié à un style. Je n’ai jamais considéré que ma musique était du jazz. J’ai été nommé deux fois au Grammy Awards dans la catégorie “musiques du monde”, et je ne considère pas ma musique comme étant ethnique. J’ai composé pour le cinéma, et je ne suis pas compositeur de musiques de film non plus. Mon dernier album était hip-hop, et j’ai grandi en faisant du classique. On a besoin dans le “business” de codifier."
À quoi ressemble votre public, alors ?
"Il ressemble à la société, à tout le monde. Il y a des vieux, des jeunes, des ados. Je crois que c’est dû au fait que je défends des valeurs universelles, comme l’éducation, la transmission. Mes parents sont profs. Moi, je continue d’enseigner."
J’ai toujours été indépendant, je n’ai jamais été adoubé par une major. J’ai toujours tout fait seul, en artisan. Même les collaborations avec Quincy Jones ou Sting sont le fruit de rencontres. Elles n’ont pas été construites par des managers. Ça doit se sentir, cette sincérité, cette spontanéité. Il n’y a pas de calcul, pas de business plan.
"Et pourtant, je vais sortir mon 18e album, je fais des zéniths, j’ai rempli trois Bercy, et je n’ai jamais été playlisté dans les radios généralistes. Je pense que c’est lié au monopole monstrueux du monde de la musique chantée. Comme quoi, on finit par s’en passer !"Il avait répété avec des élèves de conservatoire dans la journée et ceux-ci étaient montés sur scène pour un morceau. (Photo Florian Salesse)
Votre trompette microtonale vous vient de votre père, Nassim, qui l’a inventée. Et vous la développez maintenant à plus grande échelle. Elle s’appelle T.O.M.A, qui est aussi le titre du prochain album. Pourquoi ?
"T.O.M.A, pour "Trumpets of Michel-Ange", est un hommage à mon père, à son héritage. C’est un cadeau culturel pour mes enfants, les mondes arabes et occidentaux. C’est un pont entre les deux. Mon papa est une sorte de génie qui a amené une nouvelle épice à tout l’art culinaire occidentale. On s’en sert ou pas. C’est aussi une reconnaissance envers la France pour ce qu’elle a donné à mon père et à notre famille."
Ceux qui ont acquis cette trompette peuvent monter sur scène avec vous, via votre site Internet ?
"Tout à fait. L’idée est que ça donne aux gens l’envie de jouer de cet instrument. J’ai créé l’académie T.O.M.A, où une trentaine de personnes sont inscrites. Je communique avec eux directement, et on organise des rencontres, des master classes, gratuites. Plus de deux cents trompettes ont été vendues dans quarante pays."À Jazz au fil du Cher, en juillet 2010, au pré de Chauvière de Lavault-Sainte-Anne. (Photo Bernard Lorette)
Le public découvre donc votre dernier album “Trumpets of Michel-Ange” (sorti prévu le 20 septembre 2024) sur scène. À quoi peut-on s’attendre ?
"C’est un album de fête. C’est important, surtout dans le contexte actuel. Je dis souvent que la musique est la bande originale de ma vie. Là, je ressens une sorte d’aigreur, comme beaucoup gens. J’avais besoin de faire la fête."
Billetterie. Auprès du centre Athanor de Montluçon. Tarifs : 54 € et 42 €. Jeudi 18 juillet, à 20 h 30. Pour l'occasion, les élèves trompettistes du conservatoire André-Messager de Montluçon accompagneront l'artiste sur scène.
Samedi 20 et dimanche 21, au pré de Chauvière, à Lavault-Saint-Anne. Le samedi, Thomas Khan à 19 heures, Sergent Garcia à 20 h 45, Femi Kuti à 22 h 30. Le dimanche : Chabada Band à 17 h 30, LMZG à 19 h 30 et El Comité à 21 heures. Le feu d'artifices est en accès libre à partir de 22 heures. Tarifs : 10 € le samedi, 13 € le dimanhe, 18 € le pass week-end ; gratuit pour les moins de 18 ans. L’Unapei Pays d’Allier participera par ailleurs au catering, le week-end.
Propos recueillis par Seher Turkmen
