Matéo Crémades est un des deux sculpteurs sur parchemin dans le monde. Installé à Hérisson dans l’Allier, il est spécialisé dans la reproduction de rosaces ornant des instruments anciens. Un savoir-faire hérité des maîtres luthiers des XVIe et XVIIe siècles.
Installé derrière son établi, Matéo Crémades range quelques dessins de rosaces. L’artisan d’art règle ses lampes de bureau, déroule une pochette en cuir dans laquelle il a rangé ses emporte-pièces circulaires et sort d’un tiroir plusieurs parchemins de couleurs. Scalpel en main, un travail de précision commence.
Des rosaces qui orneront des instruments anciens"Je vais venir découper une première feuille de parchemin - j’utilise du parchemin de chèvre - en suivant les lignes de la rosace que je souhaite réaliser", explique-t-il, les yeux sur son ouvrage. "À cette première feuille viendra se superposer une deuxième. Puis une troisième." Toutes avec des découpes différentes pour créer, par superposition, une rosace en volume, complexe et raffinée.
"Ces rosaces sont principalement des copies historiques et iront orner des instruments anciens du XVIe et XVIIe siècles : des luths, des violes de gambe, des clavecins ou des guitares baroques."
Un savoir-faire ancien, hérité des maîtres luthiers européens.
Des luthiers et des musiciens du monde entier - principalement en Europe mais aussi en Amérique et en Asie - font appel à Matéo Crémades et lui commandent des rosaces. Des œuvres qu’il met entre une dizaine d’heures et plusieurs mois à réaliser.Par superposition de feuilles de parchemin, Matéo Crémades réalise des rosaces complexes. © SALESSE Florian
"J’ai une base de données de plus de 400 rosaces qu’on peut notamment voir dans des musées. À moi de déterminer celle qui sera la plus dans le style de l’instrument. Par exemple, si j’ai un clavecin de 1620, il faut que je trouve une rosace qui aille avec. Il y a tout un travail de recherche."
Deux sculpteurs sur parchemin... dans le mondeEt l’artisan d’art, installé dans le village d’Hérisson dans l’Allier depuis février 2024, est d’autant plus sollicité qu’il n’y a que deux sculpteurs sur parchemin dans le monde. "L’autre sculpteur est en Italie et fait cela depuis trente ans."
Matéo Crémades, lui, exerce ce métier rare depuis quelques années seulement et a dû l’apprendre en autodidacte. "J’ai réalisé ma première rosace en 2014", raconte-t-il. À l’époque, Matéo Crémades, en doctorat de musicologie, et sa compagne forment un duo de musique baroque : l’Ensemble Parchemins.
"Cela m’a donné envie d’arrêter la recherche pour me consacrer à la guitare baroque du XVIIe siècle. J’ai voulu construire mon instrument."
La musique lui permet alors de "rencontrer le parchemin". "J’ai fait une première rosace pour cette guitare. J’ai découvert le matériau. Puis, j’ai fait une deuxième guitare et une deuxième rosace…" Pour ne plus s’arrêter depuis. "Ces ornements géométriques m’ont intrigué. Ils sont à la fois complexes et simples. J’ai décidé de me spécialiser là-dedans et de m’installer en 2017."
Des "pièces d'exception"Si, sept ans plus tard, la réalisation de rosaces reste son activité principale, le sculpteur sur parchemin a depuis voulu se diversifier. "Les rosaces laissent peu de place à la créativité. Ce sont des copies historiques donc c’est quelque chose de très cadré. J’ai voulu faire quelque chose de plus créatif…" L’artisan d’art se tourne alors vers "des pièces d’exception".Parmi les pièces d'exception qu'il a réalisé : des tasses entièrement en parchemin. © SALESSE Florian
"J’ai développé une pratique plus personnelle avec des pièces uniques dans la lignée de l’art contemporain. Pour détourner le matériau vers de nouvelles voies."
Et créer des sculptures uniques exposées à travers le monde, en Italie, au Japon ou en Corée du Sud.
"J’ai par exemple réalisé une sphère en parchemin et en buis qui fait écho aux noix de prières de la fin du XVIe siècle dans lesquels il y avait des scènes de la vie du Christ." Une pièce incroyable qui a nécessité plus de deux mois de travail.
Matéo Crémades réalise des pièces d'exception comme cette sphère. © SALESSE Florian
"J’ai imaginé cette sphère après un voyage au Japon. À l’intérieur, il y a tout un paysage en parchemin." Un lever de soleil sur le mont Haku, une des montagnes sacrées du Japon, une étendue d’eau avec des nénuphars et des dorures à la feuille d’or…
"Je sors de l’artisanat pour me rapprocher de l’art. J’aime décloisonner les genres. Cela se fait en Asie notamment au Japon : les artisans sont considérés comme des artistes. Je suis pour l’abolition de ces frontières."
Texte : Laura Morel
Photos : Florian Salesse
