Les serveurs prennent le pourboire pour le symbole d’une satisfaction du client. Pourquoi n’est-ce pas toujours le cas ? La satisfaction est l’interprétation dominante qui est ressortie de ces travaux : le pourboire est un contre-don, l’expression d’une gratitude dans le contexte d’un travail visible, ce qui est valorisant pour le salarié. Mais il existe trois autres interprétations. Le pourboire peut agir en complément du prix pour un service en plus de ce qui était prévu à l’origine. C’est de l’ordre du contrat.
Il y a ensuite le pourboire de relation, entre le salarié et le client. Ce sont des cas de personnes qui donnent systématiquement, peu importe le service et peu importe que ce soit bien ou pas. C’est donc une relation de pouvoir, on est en train de dire : on n’est pas du même monde. Le pourboire marque là une distinction sociale, donc c’est l’inverse du premier cas, c’est dévalorisant. Enfin, il existe un pourboire d’entretien d’amitié : on laisse un pourboire parce que c’est ce serveur précis qui nous sert. Du côté du client, ces interprétations peuvent se combiner.Pourquoi les nouvelles générations laissent-elles peu ou pas de pourboire ? C’est une question délicate. Je ne pense pas que ce soit le cas. Le pourboire reste la marque de l’appréciation, donc il subsiste à travers les générations, naturellement selon l’influence familiale des jeunes.Certains pays le pratiquent encore de manière forte, qu’est-ce qui est différent avec la France ? La différence, c’est la culture. Aux États-Unis, le pourboire est institutionnel. Dans tous les métiers de service, les salaires sont amputés du tiers, la norme est de donner un pourboire, sinon les salariés ne peuvent pas vivre. Cela revient à rendre le salarié dépendant du client. Quand ces clients viennent en France, ils raisonnent avec cette logique et donnent des pourboires très élevés. À l’inverse de la Chine, par exemple, ou des pays à héritage communiste, où donner un pourboire est insultant, c’est un manque de respect, du mépris. En France, la coutume perdure avec une grande flexibilité.
Propos recueillispar Anna Modolo
