Entre 1995 et 2003, Christian Fazzino et Philippe Suchaud ont fait le bonheur de l’Amicale des Marais à Montluçon (Allier). Les deux champions ont remporté deux titres de champion de France triplettes et une coupe de France des clubs. Avant de disputer un nouveau championnat de France, les 22 et 23 juin, à Sin Le Noble, dans le Nord, sous les couleurs d'Arlanc, La Montagne les a conviés à un long entretien au boulodrome Christian-Fazzino.
1995-2003. Pendant une petite décennie, le Montluçonnais Christian Fazzino et le Cosnois Philippe Suchaud ont partagé un destin commun au sein de l’Amicale des Marais de Montluçon (Allier). Avec à la clef deux titres de champion de France triplettes et une coupe de France des clubs.
Réunis cette année sous les couleurs d’Arlanc (Puy-de-Dôme), ils refont de nouveau équipe, avec Antoine Cano, lors des championnats de France triplettes, les 22 et 23 juin, à Sin Le Noble, dans le Nord.
Lors d’un entretien accordé à La Montagne, dans l’enceinte du boulodrome Christian-Fazzino, les deux champions ont accepté avec un plaisir non dissimulé de se remémorer leurs "jeunes années" aux Marais.
Plus de vingt après avoir joué sous les couleurs de l'Amicale des Marais à Montluçon, vous vous retrouvez aujourd'hui à Arlanc. Qu'est-ce que cela vous inspire ?
Philippe Suchaud : (Rires) Moi, je suis à Arlanc depuis un moment, c'est lui qui est venu me rejoindre.
Christian Fazzino : Cela fait plaisir de se retrouver. Dom (Dominique Usai) m'avait demandé plusieurs fois mais je n'avais pas trop envie de quitter l'endroit où j'étais. Après, vu comment ça s'est passé dans mon dernier club, j'ai voulu me rapprocher de la maison.
Philippe Suchaud : Dominique m'avait dit qu'il était en contact avec Christian et qu'il allait peut-être nous rejoindre pour faire le vétéran avec lui. Je ne pensais pas que Dom laisserait sa place pour le triplette car c'est un compétiteur. Aujourd'hui, c'est vrai qu'avec Christian et "Chato" (Antoine Cano), ça nous fait une belle équipe.
Vous souvenez-vous de votre première rencontre sur un terrain de pétanque ?
Philippe Suchaud : Moi, je me rappelle de ma première victoire contre Christian. C’était le championnat départemental à Moulins en 1994. Avec Falcon, on avait battu Christian et Daniel (Voisin) sur un terrain pourri. Je ne le connaissais pas et ce n’était pas une idole.
J’ai jamais été fan d’un joueur de pétanque. Si je suis venu à la pétanque, c'est parce que j'aimais ce sport.
La première fois que je joue Marco Foyot, c'est pareil. Je ne le connais pas. C'était au Puy-en-Velay en tête à tête, il y avait des beaux lots à gagner. Je le mène 12 à 2 ou 12 à 3, il n'y a même pas de partie. Et là, il y a un accident dans le parc, les parties sont interrompues. Et quand on reprend, j'ai trois ou quatre fois la gagne et je perds 13 à 12.
Christian Fazzino : J’ai aussi le souvenir de cette défaite contre Philippe. C'était la première fois où je le voyais. Daniel (Voisin) ne m'en avait pas spécialement parlé. On avait perdu normal. À l’époque, je n’avais pas de regard particulier sur Philippe et je ne pensais pas jouer avec lui l’année d’après.
La légende veut que c’est Daniel Voisin, le champion du monde limougeaud, qui a fait venir Philippe à Montluçon. C’est vrai ?
Philippe Suchaud : Il m’a effectivement demandé de venir aux Marais pour faire les championnats. C’était en 1994, l’année où je remporte justement le doublette à Millau avec lui. Si Daniel ne m’avait pas demandé, je n’y serais sans doute jamais allé. Ou peut-être à la force des choses car je jouais pas mal avec Fred Perrin et Tonio De Freitas.
L'influence de Daniel VoisinChristian Fazzino : C’est Daniel qui a pratiquement tout fait. Je l’avais un peu engueulé car il m’a prévenu au dernier moment. Cela faisait trois ou quatre ans qu’on jouait avec Jean-Luc (Amblard) avec qui on a été champion de France. C’était un garçon très gentil, convivial, facile à diriger. Peut-être que Jean-Luc ne l’a pas très bien pris…
Philippe Suchaud et Christian Fazzino ont souvent fait équipe avec Daniel Voisin en triplettes. 1995, c’est l’année où Philippe arrive aux Marais. C’est aussi l’année où vous vous retrouvez l’un contre l’autre en finale du championnat du monde à Bruxelles...
Philippe Suchaud : Ce jour-là, Christian a bien roupillé (rires). Cela a fait une grosse polémique (Christian Fazzino est arrivé avec une heure de retard pour jouer la finale, NDLR.). J’aurais pu me retrouver dans la même équipe de France que lui mais il avait déjà participé aux mondiaux avec d’autres joueurs alors que moi c’était ma première sélection. Avant le championnat du monde, j'avais fait le championnat de France doublette avec Daniel Voisin, on l'avait gagné.
Christian Fazzino : J'étais aussi à ce championnat de France à Annecy mais en tête à tête. Je crois que j'avais perdu en quart de finale contre Laurent Morillon.
Votre première grande victoire ensemble, ce sont les championnats de France triplettes à La Roche-sur-Yon où Didier Velut remplace au pied levé Daniel Voisin…
Christian Fazzino : On était parti sur ces championnats avec moins d’ambitions car ce n’était pas évident qu’il puisse s’adapter à nous. Il fallait bien le diriger.
En 2002, vous réussissez le doublé avec Daniel Voisin à Soustons ? Le parcours a été aussi compliqué ?
Philippe Suchaud : Je me rappelle juste la soirée du samedi (rires). On était chez un copain à Marco (Foyot). On avait fait la bringue, Daniel m’avait ramené à minuit. On avait mangé le foie gras et le canard. Le lendemain, on était extraordinaire. Eux (Fazzino et Voisin), ils mettaient quatre boules au bouchon sur un terrain tout lisse et moi je frappais les boules.
En 2003, à Moulins, vous remportez la coupe de France des clubs avec l’Amicale des Marais. Cela a la même saveur qu’un titre de champion de France ?
Philippe Suchaud : Ça n’a rien à voir, c’est un truc d’équipe. Moi, j’aime bien cette formule quand tu as la chance d’avoir un bon groupe.
Une belle équipeChristian Fazzino : Tu joues pour tout le monde, tu ne joues pas que pour toi. Il faut s’adapter à chaque personnalité pour arriver à gagner. Et puis, on avait une belle équipe, on arrivait souvent en demie ou en finale. Nous qui avons beaucoup de victoires, on a eu ce plaisir de faire gagner des gars qui n’avaient pas le même palmarès.
Vous partagez deux victoires aux Masters en 2002 et 2013 ? Ces trophées ont-ils de la valeur à vos yeux ?
Philippe Suchaud : Quand on gagne à Monaco avec Christian, Philippe (Quintais) et Damien (Hureau), c’est mon plus beau souvenir des Masters. L’endroit était magique.
Christian Fazzino : La venue du bouchon en parachute… Un très bon souvenir.
Philippe Suchaud : Et quand on part de l’hôtel pour rejoindre le terrain en harley. Je n’ai plus le même plaisir aujourd’hui. Avant, on jouait souvent entre copains alors que maintenant ça devient compliqué pour faire les équipes, on ne joue plus avec qui on veut. Ce n’est plus comme avant. Je pense qu'il faudrait changer la formule. Cette année, il n'y a que trois étapes. Pour les joueurs, ça n'apporte plus rien. Avant, c'était une belle vitrine quand il y avait la télé.
Christian Fazzino : La perte de la chaîne L'Equipe, ça a fait beaucoup de mal.
Lors des championnats de France dans le Nord, Philippe Suchaud sera au tir et Christian Fazzino au point.
Philippe, vous quittez les Marais en 2003 pour rejoindre les Ducs de Nice. Pourquoi ce choix ?
Jean-Claude Muscat, qui était un grand copain de Philippe (Quintais) voulait nous réunir dans le même club avec Henri Lacroix car on avait été champion du monde en 2001 tous les trois.
La mairie de Nice avait dégagé un budget et ça a duré quelques années jusqu’au moment où la nouvelle municipalité a arrêté la pétanque. Le budget a été viré et nous aussi.
C’était donc un choix purement financier ?
Tout à fait. C’était un très beau contrat pour nous. J’ai expliqué aux dirigeants des Marais qu’on me faisait une très belle proposition et qu’à Montluçon, on n’avait rien. Il n’y a pas eu photo. Christian, vous en avez voulu à Philippe de partir des Marais ?
Pas du tout. Il fallait qu’il suive son chemin. Ensemble, on a eu de belles victoires. C’était une période où des clubs commençaient à donner de beaux contrats. Il fallait en profiter, ce que je n’ai pas trop fait durant ma carrière.
Philippe Suchaud : C’est vrai. Christian s’est trouvé bloqué par son contrat avec la Ville.
Christian Fazzino : En fait, je n’ai pas trop de regrets. On me demande encore aujourd’hui d’aller en Amérique, en Suède, je préfère rester chez moi. J’ai quand même fait de beaux déplacements à Tahiti, à Nouméa. Peut-être que je vais répondre à quelques sollicitations d'autant que je compte faire de moins en moins de nationaux où j'ai l'impression de perdre mon temps.
J'ai deux contrats qui font que je joue encore un petit peu.
Jouer des régionaux avec mes amis, c'est ce qui me tente davantage aujourd'hui. Quand on voit qu'on n'est pas aux Jeux olympiques et que la pétanque n'évolue pas, il y a plein de choses qui font que je me retire petit à petit.
Philippe, vous êtes d'accord avec ce constat ?
C'est vrai que la pétanque n'évolue pas. Moi, j'ai beaucoup plus d'intérêt à faire de l'évènementiel en semaine que des nationaux le week-end. Si je le pouvais, je ne ferais que de l'évènementiel à l'année avec un ou deux nationaux de temps en temps pour faire plaisir à droite à gauche.
Christian Fazzino : Il faut faire plaisir à des gens qu'on aime et non des gens qui te donnent de l'argent. A mon âge, je n'ai plus de temps à perdre. Si j'en arrive à faire cinq nationaux dans l'année bien équipé, ce serait bien. Philippe, lui, il a encore le temps.
De précieux partenairesPhilippe Suchaud : Moi, il faut encore que je gagne ma vie à côté de mon boulot. Aujourd'hui, j'ai tellement de demandes que je joue très souvent avec des partenaires. Les équipes de copains, je ne le fais plus beaucoup. Comme il n'y a rien à gagner dans les concours, je joue comme d'autres avec des partenaires qui nous financent.
Christian Fazzino : Le seul regret que j'ai par rapport à Philippe, c'est que je suis tombé dans une mauvaise période où je ne pouvais pas gagner ma vie avec ma passion comme dans tant d'autres sports. Sans parler d'une somme comme le tenisman qui a gagné 2,4 millions d'euros à Roland-Garros. Dylan (Rocher) tombe, je pense, dans une encore meilleure période que Philippe car il a plus de contrats et de sponsors.
L'entretien avec Philippe Suchaud et Christian Fazzino s'est déroulé au boulodrome Christrian-Fazzino.
Que peut-on vous souhaiter pour vos premiers championnats de France sous les couleurs d’Arlanc ce week-end ?
Philippe Suchaud : On a une belle équipe et on veut aller le plus loin possible. Gagner, bien sûr même s’il faut d’abord avancer dans la compétition. Engranger un autre titre, ce serait pas mal. Cela ferait voir que les vieux sont encore là même si je n'ai plus la même niaque qu'avant en championnat. Christian Fazzino : Comme d’habitude, l’ambition, c’est déjà de passer le samedi. Après, on veut être champion de France seniors même si à mon âge ce n’était pas un objectif que je m’étais fixé. On y va pour gagner. Si jamais je remporte un autre titre en seniors ou en vétérans, je vais encore devoir rester un an (rires).
Palmarès. Avec quatorze titres de champion du monde, Philippe Suchaud peut faire des envieux. Pas Christian Fazzino. "Non même si ça m’aurait bien plu. J’ai été déjà quatre fois champion du monde. Après, j’ai souvent perdu contre des équipes de France, ce qui n’est plus possible. Dans les conditions d’aujourd’hui, sur dix participations, je pense que j’aurais gagné huit titres." Philippe Suchaud, lui, n'est pas jaloux du record de Christian Fazino à 992 boules tirées sur 1.000 ? "Pas du tout, j’ai jamais tenté. Par contre, je lui aurais bien pris un titre de champion de France tête à tête (Christian en a sept, NDLR.). J’ai perdu en finale à Chambon-sur-Voueize en 1998. J’en ai refait un et après j’ai arrêté. C’est vrai que c’est quelque chose qui manque à mon palmarès."
Fabrice Redon
