Une partie de la France retient son souffle. Après avoir rejoint le cortège lors des manifestations contre l'extrême droite dans les rues de Nevers, samedi 15 juin, Philippe Martinez, ancien secrétaire général de la CGT entre 2015 et 2023, a participé, le soir même, à la Fête des travailleurs, au château du Vernay, à Challuy.
Quel regard portez-vous ces nouvelles élections ?
Le président de la République continue à considérer qu’il sait tout, qu’il connaît tout. On voit que ça ne passe plus dans l’opinion publique. Malheureusement, ça conduit à un vote qu’on connaît pour le Rassemblement national. Il faut qu’il y ait un sursaut vis-à-vis des abstentionnistes. Le RN n’a pas eu le vote de 31 % des Français. C’est 31 % des citoyens qui ont voté. Il faut mettre le président de la République devant ses responsabilités et ne pas laisser l’extrême droite prendre le pouvoir en France parce que là, ce sera très grave pour le monde du travail.
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Comment avez-vous réagi à l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale??
Je ne suis pas plus intelligent que les autres. Je ne m’y attendais pas. Ça correspond à ce que je connais de lui depuis qu’il est président et même lorsqu’il était ministre. C’est plus un coup politicien que quelque chose pour la France. Il considérait pouvoir revenir au centre du jeu, faire exploser la gauche et la droite.
"Heureusement qu'il y a des immigrés en France"Comment jugez-vous les propositions du Rassemblement national ?
Ils ont des propositions soi-disant "alléchantes". Mais à chaque fois qu’ils sont mis devant leurs responsabilités, on voit que c’est faux. Ils ont voté contre l’augmentation du Smic. Ils étaient contre les questions de l’IVG. Pour les retraites, ils ne savent plus à quel âge ils veulent laisser partir les gens. Sur les cotisations sociales, ils veulent augmenter les salaires, mais supprimer les cotisations… C’est un parti de droite et puis un parti raciste. Heureusement qu’il y a des immigrés en France et pas seulement qu’aujourd’hui. Je m’appelle Martinez, je sais de quoi je parle. La France est riche de toute l’influence qu’ont eue les travailleurs, hommes et femmes de cultures, sportifs, d’origines étrangères.
Comment expliquer qu’aujourd’hui une partie de la classe populaire se tourne vers eux??
La colère. Macron devait changer notre vie, ni gauche, ni droite. Au final, la pauvreté augmente. Les riches sont de plus en plus riches. La gauche doit aussi balayer devant sa porte. François Hollande, qui a précédé Emmanuel Macron, son ancien ministre de l’Économie, a été élu sur une phrase célèbre : "Mon ennemi, c'est la finance". On a dû descendre contre la loi travail, une première réforme des retraites, la déchéance de nationalité, etc. Tous les politiques qui ne tiennent pas leurs engagements génèrent de la colère et de la désillusion. Je ne pense pas que le vote Rassemblement national soit un vote d’adhésion, mais un vote de ras-le-bol.
Comment les syndicats travailleraient-ils avec un gouvernement du Nouveau Front populaire??
Historiquement, les avancées ne se sont jamais faites par l’arrivée de la gauche au pouvoir. Elles se sont toujours faites, évidemment, par des politiques sociales, mais surtout par la mobilisation des salariés. Puisqu’ils se sont appelés Nouveau Front populaire, il faut rappeler qu’en 1936, il y avait un gouvernement de gauche, mais il y a aussi eu beaucoup de grèves et de manifestations. Quel que soit le gouvernement, il faut des mobilisations.
Comment les syndicats travailleraient-ils avec un gouvernement du Rassemblement national ?
On va tout faire pour que ce ne soit pas le cas. Même moi à mon petit niveau. Le combat sera plus rude, mais le combat se fera.
Propos recueillis par Fabien Agrain-Védille