Le Florinois Cyril Blanquet, dont le procès se poursuivait vendredi aux assises de Haute-Loire, a reconnu avoir tué Yvan Ballet à Sainte-Florine dans la nuit du 13 au 14 mars 2020. Le coup de couteau porté au niveau de l’abdomen ne laissait aucune chance au trentenaire, entraînant sa mort dans les vingt minutes d’après le légiste.
Une personnalité difficile à cernerLa question posée étant de savoir si l’accusé avait eu une réelle intention homicide. N’aurait-il fait que se défendre ? L’homme de 29 ans s’est empêtré dans des explications confuses. « C’est une personnalité difficile à cerner », admettait son conseil, Anne-Sophie Bardin, à un moment tentée de plaider la légitime défense avant de se raviser, de changer totalement de stratégie. L’avocate préférait retenir le « coup et la blessure volontaires » mais, pour elle, l’intention n’était pas caractérisée. Si l’on accepte l’attitude belliqueuse de la victime, Yvan Ballet, détenteur lui aussi d’un couteau retrouvé sur place (et portant son ADN), il faut alors accepter l’idée que Cyril Blanquet aurait pu chercher à se défendre.
L’avocat général, Géraud de Vallavieille, mettait pour sa part en doute sa crédibilité. Il aurait tenté d’esquiver un coup ou deux de la victime, on ne sait pas trop, ses déclarations ayant été à géométrie variable, avant de riposter en sortant un couteau et lui portant le coup mortel.
« Une riposte ni nécessaire, ni proportionnée » aux yeux du représentant du ministère public. Mais d’où sortait-il ce couteau ? Était-il allé le chercher chez lui au cours de la soirée ? Et surtout qu’a-t-il fait de l’arme du crime qui n’a jamais et retrouvée ? Jeudi, en fin de journée, les questions parfois abruptes et en cascade de la présidente, Diane Amacker, le pressant de s’expliquer, n’ont fait que le déstabiliser.
Le « shérif » de Sainte-FlorineLe mobile du crime, on le connaît : la rivalité entre deux hommes pour une jeune femme dont la présence « toxique » à cette soirée tragique, dixit le représentant du ministère public, n’a fait qu’envenimer les choses. « Ce n’est pas son comportement mais bien la seule jalousie de Blanquet qui a conduit au drame », plaidait Anne-Sophie Clauzier, avocate de la grande absente des débats (pour raisons médicales). Une femme dont Cyril Blanquet s’était épris puis séparé de fraîche date. Quand le nouveau petit ami de cette dernière (la victime) est venu à Sainte-Florine la chercher à la soirée qui se déroulait au domicile d’un couple, les choses ont dérapé.
Il est vrai que tout le monde avait bu, du rhum pour un des protagonistes, de la vodka pour d’autres. On imagine les conséquences du « cocktail » explosif : jalousie, alcool, consommation de stupéfiants excessive et régulière, mais aussi, peut-être, le double jeu de la femme tantôt « aguicheuse », tantôt « agressive » ou, du moins, sa maladresse en facilitant la confrontation entre l’ancien et le nouveau compagnon.
Ce compagnon, la victime, dont Antoine Portal, avocat de la famille, s’attachait à honorer la mémoire. Le père d’Yvan Ballet, sous pression depuis le début du procès, quittait précipitamment la salle d’audience vendredi après-midi pour hurler sa douleur dans la salle des pas perdus. Ces cris de détresse allaient-ils constituer un tournant dans le procès ? Me Portal, poursuivait, imperturbable, sa plaidoirie expliquant que son fils était « un homme à l’opposé de Blanquet, le shérif de Sainte-Florine ».
L’accusé était sorti de maison d’arrêt deux mois et demi avant le drame, après avoir purgé deux ans de prison pour des violences graves. Il n’en était pas à sa première incarcération. La faute à pas de chance d’après lui, cherchant à se victimiser. Question de la présidente : « Qu’a-t-il fait pour sortir de cette spirale de la délinquante ? » Pas grand-chose grommelait Blanquet dont les propos jetaient un froid : « Après deux ans de prison, on a le droit d’en profiter, de prendre des vacances. » Pour l’avocat général, n’est-il pas temps qu’il assume enfin ses actes ? Géraud de Vallavieille demandait de retenir le chef de meurtre et proposait une peine de 20 ans de réclusion criminelle. « Nous, on a pris perpète », avait lâché la veille à la barre la mère de la victime.
Cyril Blanquet exprimait des regrets en direction du banc des parties civiles, les proches d’Yvan Ballet, ses deux enfants en particulier qui grandiront sans père. Son « fatalisme » souvent évoqué au procès refaisait surface : « Je ne peux pas le faire revenir », disait-il, avant d’ajouter comme par-devers lui : « Je m’attends au pire. »
Après deux heures et demie de délibéré, la cour retenait bien la qualification de meurtre, suivant les réquisitions : 20 ans de réclusion criminelle. L’accusé dispose de dix jours pour former appel.
Philippe Suc