« Nous sommes en 2024 après J.-C. Toute la Gaule a répondu à l’appel du Rassemblement national. Toute ? Non ! Un village d’irréductibles Gaulois résiste encore et toujours… » Et ce village, c’est Chamalières.
Les chiffres sont éloquents : dimanche dernier, lors des élections européennes, la liste Bardella fait ici à peine plus de la moitié de son score national, et pire encore, elle arrive en troisième position (*) quand elle termine première presque partout dans le Puy-de-Dôme (seule 21 communes du Puy-de-Dôme n’ont pas placé le RN en tête). Chamalières pourrait-elle servir d’exemple aux autres communes ? Sans doute pas, car la situation de cette ville est particulière. Le fief de l’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing, aujourd’hui dirigé par son fils Louis, a toujours voté à droite. Et, souvent, l’extrême droite a bien davantage profité d’un basculement de la gauche que d’un glissement de la droite.
Pas le profil d'une ville frontistePar ailleurs, la population de la ville ressemble peu à celle de ces villes déclassées, ouvrières, abandonnées, où l’extrême droite fait ses meilleurs scores : un tiers de cadres, un dynamisme économique insolent avec plus de 1.300 entreprises et un revenu moyen par foyer de près de 40.000 €… Chamalières n’a pas le profil d’une ville frontiste. Enfin, le Front national, ancêtre du Rassemblement national, n’a pas laissé ici un grand souvenir. Le seul qui revienne à la mémoire des Chamaliérois est celui de l’ancien conseiller régional Claude Jaffrés, un voisin royadère, condamné et déclaré inéligible en 1997 pour s’être déguisé en policier et avoir participé à une milice frontiste. « Tout ça n’est pas dans nos coutumes locales », s’amuse Henry qui tempère aussitôt : « Mais si la poussée du Rassemblement se poursuit, il n’est pas sûr que nous résistions éternellement. Tout confondu, un quart des gens d’ici votent à l’extrême droite. Si on nous avait dit ça il y a dix ans, je ne l’aurais pas cru. Alors pour demain, je ne sais pas ! »
« Ils pourraient, un jour, entrer au conseil municipal »Le maire lui-même accepte d’envisager l’inimaginable : « Oui, ils pourraient, un jour, entrer au conseil municipal ». Mais il y apporte aussitôt une réserve « Encore faudrait-il qu’ils parviennent à monter une liste ! » Bref, si les Chamaliérois perçoivent le danger, ils l’imaginent encore lointain, convaincus que les résultats des prochaines législatives à Chamalières ressembleront à celui des européennes.
Sur le marché, la parole est évidemment réservée, comme tout à Chamalières. Mais on s’étonne peu quand on rappelle que Chamalières a si peu voté aux extrêmes : « On est une ville tranquille. Bourgeoise sans doute. Les gens ont travaillé, gagné et ont le droit de se reposer. Il n’y a pas matière à se rebeller. La ville a toujours voté à droite, la droite traditionnelle, et elle continue. Il n’y a pas de raison que ça change ». Un vendeur, qui n’est pas Chamaliérois, confirme : « La police municipale fait son boulot. Elle est toujours là. Je ne dis pas qu’il n’y a jamais eu d’agressions, mais beaucoup moins qu’ailleurs. Ici, c’est un peu la vieille école, et ma foi, ça n’est pas si mal ! »
Arnaud Vernet (*) Dimanche, les Chamaliérois ont placé la liste de Valérie Hayer en tête (Ensemble, UDI, 21,7 %), devant celles de Raphaël Glucksmann (PS, Place publique, 19,6 %), Jordan Bardella (Rassemblement national, 18,6 %), François-Xavier Bellamy (Les Républicains, 14,4 %) et Marion Maréchal (6 %).
