Le président du Clermont Foot 63, Ahmet Schaefer, livre un bilan « clinique » de la saison ratée de son club. Mais reste combatif pour l’avenir.
Comment va le président d’un club relégué et qui vient de quitter la Ligue 1 sur sa pire défaite de la saison ?
« Ce match me fait honte. Je pense avant tout aux nombreux supporters du club qui ont fait le déplacement jusqu’à Lorient, avec près de 15 heures de bus, qui malgré le fait que nous soyons officiellement relégués, ont assisté à cette honteuse prestation. Je pense aussi et surtout à Pascal (Gastien, l’entraîneur principal) qui ne méritait pas une telle sortie après 263 matchs sur le banc de Clermont et tout ce qu’il a apporté au club. »
La saison dernière a-t-elle leurré certains ?
« Cette 8e place, c’était un record mais peut-être pour un club comme le nôtre, un peu compliqué à digérer. Lorsqu’on évolue à Clermont, il ne faut pas oublier que le premier objectif reste le maintien. Or la fin de saison 2022-2023 en boulet de canon a eu inconsciemment un impact. Certains joueurs ont déclaré, au Chambon-sur-Lignon (en stage de préparation de la saison, NDLR), que ça allait être assez tranquille, 11e ou 12e. Là, déjà, on s’est dit avec Yannick (Flavien, son conseiller) : ça fait un peu peur. Car ce n’était pas des jeunes qui découvraient la Ligue 1 qui s’exprimaient comme ça mais, je ne veux pas les citer, des joueurs expérimentés, qui avaient déjà vu beaucoup de choses… »
Tout en étant toute la saison relégable, l’équipe a eu du mal à mettre de l'engagement et à le répéter dans ses matchs…
« Pour la première fois depuis cinq ans, et malgré les efforts de Pascal Gastien, il faut le dire, on a vu aussi un groupe manquant de caractère et de solidarité. Or le football reste un sport collectif. Toutes les semaines, on entendait, à partir des données athlétiques et de performance, qui sont des données objectives : “C’est une bonne semaine !” Donc tu as fait une bonne semaine d’entraînement, la cinquième de suite, et le jour du match, tu prends 4-0. On a donc essayé de comprendre cette amplitude. »
« On a commencé à ressentir vraiment des grands écarts, à l’intérieur, concernant la frustration de certains qui n’étaient pas titulaires mais qui pensaient l’être. Je suis le dernier à dire “qui joue, qui ne joue pas” mais au bout d’un moment, il faut dire aussi aux joueurs : “On est tous dans le même groupe et le bateau descend”. Et, même si le terme est critiquable, au lieu de “faire la guerre” entre nous, il faut “faire la guerre” avec l’adversaire. »
Une saison, c’est d’abord une question de constitution d’équipe. Votre analyse ?
« Tout le monde doit se remettre en question : nous, Yannick et moi, et la cellule de recrutement. Nous aussi, on a fait des erreurs. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas faire des erreurs quand on est entrepreneur de football, il faut juste ne pas les répéter. Rétrospectivement, on aurait dû peut-être intervenir plus auprès de la cellule de l’époque pour rechanger afin d’apporter du souffle et du sang frais à l’effectif, déjà au début de la saison. Mais c’est psychologiquement énormément difficile quand tu viens de terminer 8e, que tu as dépensé de l’argent (7 millions d’euros) et que tu as un coach élu deux fois meilleur entraîneur en France et dont tu sais qu’il va prendre sa retraite en fin de saison… »
Vous avez investi 7 millions dans la constitution de l’effectif. Mais vous êtes régulièrement vilipendé sur les réseaux pour ne pas avoir investi encore plus…
« Je comprends complètement la frustration. Car on pense toujours qu’il y a une corrélation entre l’argent dépensé pour les joueurs et la performance sportive. Il y a deux ans, les investissements étaient très limités sur les joueurs et on finit 8e. Cette année, on investit 7 millions d’euros, on descend. C’est peut-être la contre-preuve. Mais à la longue, je suis persuadé que comme le dit une expression anglaise, le “smart money”, l’argent intelligent, c’est, au-dessus des 7 millions pour l’équipe, de mettre 7 millions pour un centre d’entraînement pour les pros, tripler les investissements sur le centre de formation, de mettre de l’argent à disposition pour créer une école de foot et de préformation pour augmenter la probabilité d’avoir des Bouchenna, des Fakili futurs dans nos effectifs. »
« Encore une fois, je peux absolument comprendre la frustration, mais... Dépenser l’argent à droite et à gauche ne peut pas être la solution, pour dire après : “On a dépensé tout ce qu’on a eu et maintenant, on est dans une crise, on a mis est en péril le club”. »
Une descente en Ligue 2, ça a des conséquences économiques. Quel est l’impact général sur le club ?
« Comme dans chaque PME qui est malheureusement dans une division inférieure, tout est à analyser. Ce qu’on est en train de faire. Mais on ne panique pas. Les investissements qu’on a faits, couper ces projets-là, au niveau entrepreneurial, ce serait complètement contre-productif. Donc les investissements continuent. Après, si la question qui m’est posée, c’est : “Est-ce que je suis disposé, comme entrepreneur de football, à entretenir une structure de Ligue 1 alors qu’on joue en Ligue 2” ? La réponse est “non”. D’autres clubs peuvent le faire, nous, on doit s’adapter à cette nouvelle réalité. Avec quels résultats concrets ? À voir… »
Le projet, c'est quoi ?
« On ne peut pas être coincés en se disant : “Si on ne monte pas la saison prochaine, le projet qu’on a mené depuis cinq ans est complètement foutu.” Le projet, c’est une PME, une structure saine, pour qu’on puisse rebondir et croître. Mais pas comme un yo-yo. Ce sera reconstruire, au fur et à mesure, à long terme. On a pu apprendre énormément en Ligue 1 et on a aussi une expérience de Ligue 2 dont j’espère aussi qu’elle va nous servir. Car c’est un championnat dangereux. En fait, c’est un film qui a commencé il y a cinq ans et pas une simple photo. On vit un moment un peu compliqué mais ça ne veut pas dire qu’on ne va pas terminer avec un “happy end”. »
Propos recueillis par Jean-Philippe Béal
Effectif 2024-2025 : "Une grosse transition"
« On avait toujours dit qu’on n’était pas dans la révolution mais l’évolution. Mais faire évoluer la PME, le projet, le club, parfois, ça demande aussi des décisions plus élargies que de petits ajustements. Ce n’est pas une question de “vendre des joueurs, faire de l’argent” mais, volontairement, il va y avoir une grosse transition. Évidemment, des joueurs vont rester. Mais il est temps maintenant de créer un nouveau cycle, en suivant plusieurs axes. Ça va apporter beaucoup de nouveaux visages, mais j’espère aussi beaucoup de sourires. Et plus tôt on mettra à disposition de Sébastien Bichard ces joueurs-là, mieux ce sera, évidemment, pour travailler et créer l’alchimie. »
