On parle d’insuffisance cardiaque lorsque le cœur n’arrive plus à éjecter suffisamment de sang vers les différents organes. Ce qui se traduit principalement par de la fatigue, un essoufflement, voire de la toux ou des gonflements des jambes. Cette maladie chronique touche environ 26 millions de personnes dans le monde et probablement près de 1 million de Français. Chaque année, dans l’Hexagone, près de 70.000 décès et plus de 200.000 hospitalisations lui sont rattachés.
« L’insuffisance cardiaque tue plus que le cancer »Dans le Cantal, 1.435 patients, essentiellement des personnes âgées de plus de 75 ans, ont été pris en charge en 2021 pour une insuffisance cardiaque de longue durée. « Et ce nombre devrait progresser dans les années à venir, en raison principalement du vieillissement de la population », prévoit Mathieu Kuentz, biologiste et président de la commission médicale d’établissement du centre hospitalier Henri-Mondor, à Aurillac. « L’insuffisance cardiaque tue plus que le cancer », insiste le docteur Manuel Font, chef du service cardiologie de l’hôpital aurillacois.
Cette maladie, insidieuse, n’est souvent diagnostiquée qu’au moment d’une décompensation cardiaque aiguë, conduisant à un nombre important d’hospitalisations tardives et en urgence, qui pourrait être évité. « D’où l’enjeu majeur de mieux dépister et mieux prendre en charge l’insuffisance cardiaque », estime le docteur Marie Blanquet, médecin référente pour la construction du parcours de santé dédié aux patients souffrant de ce trouble, que viennent de mettre en place les équipes du Groupement hospitalier de territoire du Cantal. « L’objectif est l’amélioration de la qualité et la pertinence des soins dispensés. »
Une soixantaine de patients suivis depuis 2023 à l'hôpital de CondatUne soixantaine de patients sont déjà suivis dans ce cadre au centre hospitalier de Condat, depuis l’an dernier.
« L’idée est maintenant de faire essaimer cette prise en charge globale du patient, élaborée avec tous les professionnels de santé sur l’ensemble du territoire : une coordination ville-hôpital est indispensable à sa construction et à son fonctionnement »
Lors de leur première consultation, d’une durée de deux heures, les patients sont pris en charge pour leur insuffisance cardiaque (optimisation du traitement médical et mise à jour des vaccinations). Marie Blanquet et Céline Vergne, infirmière référente du parcours santé, procèdent également au repérage des comorbidités (manque de fer, bronchopneumopathie chronique, apnée du sommeil, ostéoporose), ainsi que des fragilités (dénutrition, mauvaise santé mentale, inactivité physique, sédentarité…).À l’issue de ce premier rendez-vous, un plan personnalisé de santé, une feuille de route pour la prise en charge et le suivi du patient, est rédigé. « En fonction des besoins, le patient pourra se voir proposer une hospitalisation de jour, détaille Céline Vergne. S’il peut bénéficier d’une prise en charge de proximité, celle-ci sera privilégiée. C’est à ce moment qu’il pourra discuter avec une diététicienne, un psychologue, un éducateur en activité physique adaptée ainsi qu’une assistante sociale si nécessaire, afin de changer ses habitudes quotidiennes pour éviter les réhospitalisations. »
Un parcours mis en place à l'hôpital d'Aurillac depuis le début de l'annéeLe parcours de santé s’appuie aussi sur le déploiement de la télésurveillance, grâce à une balance connectée qui permet de détecter des symptômes de l’insuffisance cardiaque, comme la prise de poids liée à un phénomène de rétention d’eau. Un signe d’alarme souvent méconnu des patients. « Si une anomalie est repérée, on contacte le patient et on voit avec le cardiologue et le médecin traitant comment adapter son traitement. » Vingt-neuf patients du centre hospitalier aurillacois en bénéficient depuis le début de l’année.Le centre hospitalier de Mauriac devrait, lui, suivre cet été.
« Nous avons environ 200 patients avec une insuffisance cardiaque secondaire. Potentiellement, ce sont autant de passages aux urgences ou de séjours à l’hôpital qui pourraient être évités »
Cette prise en charge globale peut aller jusqu’aux soins palliatifs de fin de vie pour accompagner les patients en insuffisance cardiaque avancée.
Mis en place depuis le 28 février 2023 au centre hospitalier de Condat, le parcours de santé Insuffisance cardiaque Cantal est le premier à être développé par le Groupement hospitalier de territoire du Cantal (qui comprend le centre hospitalier Henri-Mondor d’Aurillac ainsi que les hôpitaux de Chaudes-Aigues, Condat, Mauriac, Murat, et Saint-Flour). Le projet du docteur Marie Blanquet, médecin référente pour la construction du parcours de santé, et du directeur du centre hospitalier de Condat, Jérôme Sigaud, a séduit la Société française de cardiologie et le jury des trophées Outil’IC, un prix qui récompense les initiatives portées par les professionnels de santé dans la prévention et la prise en charge de l’insuffisance cardiaque. Ouvert à tous les professionnels de santé des secteurs privé et public, ce concours vise à promouvoir et pérenniser à l’échelle nationale les outils et solutions qui ont été développés dans le but d’améliorer la prise en charge et le suivi des patients insuffisants cardiaques.
Emmanuel Tremet
