Un site archéologique résultant de treize années de fouilles, un centre d’interprétation interactif, un circuit reliant les éléments patrimoniaux entre eux, le tout assorti d’une valorisation environnementale : la commune de Moutier-Rozeille (Creuse) s’apprête à franchir un grand pas.
Moutier-Rozeille, commune qui relie Aubusson et Felletin dans le sud de la Creuse, est un territoire pétri par l’histoire, qu’elle soit ancienne ou récente, du néolithique à la Seconde Guerre mondiale avec l’accueil de nombreux réfugiés juifs. Ici les Justes de France sont un peu plus nombreux qu’ailleurs. Juste à côté du bourg, dominé par l’église et flanqué d’altières maisons bourgeoises, un chantier de fouilles archéologiques a duré treize ans.
Un site révélateurPlacé sous la direction de Jacques Roger, ingénieur d’études à la Drac, le site de Saint-Hilaire a servi de révélateur en engageant la commune dans une démarche patrimoniale exemplaire qui conjugue histoire, nouvelles technologies de la communication et volonté d’ouvrir le territoire au tourisme dans une logique de développement local.
Les fouilles, débutées en 2007 et achevées en 2019, ont rapidement montré que l’intérêt du site de Saint-Hilaire dépassait de beaucoup la seule région limousine. Il est en effet l’un des rares en France à bénéficier d’une occupation humaine permanente d’environ 2.500 ans. Il restitue le passé à partir d’un mausolée gallo-romain transformé en église mérovingienne puis en église médiévale.
Le site de Saint-Hilaire en 2019, lors du dernier chantier de fouilles.
C’est un site où la présence de l’homme est attestée jusqu’à la fin du XIX e siècle (les dernières inhumations semblent dater du milieu du XIX e siècle), la chapelle Saint-Hilaire ayant été vendue aux enchères en 1895, puis démantelée au début du siècle suivant.
Dans les années 1920, ses pierres ont été utilisées pour bâtir des maisons dans les environs. Au XX e siècle, le lieu a suscité l’intérêt d’historiens locaux comme Georges Nétange et Gilles Le Hello. Il n’a pas laissé insensible non plus le maire, Jean-Paul Burjade qui en a fait le projet phare de sa municipalité.
Un édifice de grande ampleur sur les vestiges du mausolée antiqueCes dernières années, Jacques Roger a consacré différentes études et publications au site. Il affirme notamment, dans le rapport du bilan des fouilles que c’est à partir des vestiges du mausolée antique qu’un nouvel édifice de plus grande ampleur a été construit : « L’espace central de l’enclos monumental fait alors office de chœur, à laquelle on adjoint une salle latérale au sud, de 4,40 mètres de large pour une longueur non reconnue (destruction par la route actuelle). À l’ouest, une vaste nef est construite, de près de sept mètres de large pour au moins onze mètres de long, auxquels s’ajoutent le long des murs gouttereaux deux portiques de 2,50 mètres de large. Les nouvelles maçonneries diffèrent de la construction antique par l’emploi de pierres de construction de plus petit calibre, mais également par l’apport de terres cuites architecturales récupérées, l’ensemble étant lié par un mortier à base de chaux ».
Tombes, sarcophages, squelettes...Quelque 500 tombes, des dizaines de sarcophages, des squelettes, des bijoux : si les archéologues n’ont pas trouvé à proprement parler de trésors, ils ont mis à jour de quoi éclairer l’histoire locale et limousine. Les trouvailles les plus intéressantes seront exposées dans le centre d’interprétation, aux côtés d’une urne et d’un baptistère retrouvés par la commune dans le Puy-de-Dôme, mais aussi de maquettes et de photographies, le tout étant complété par un film. Été après été, les chantiers ont mobilisé quelque 250 étudiants en archéologie venus de différentes régions, sans parler du chantier-école mené avec des élèves du LMB de Felletin.
Jean-Paul Burjade (à droite) et Laurent Lhéritier (à gauche) sur le site actuel de Saint-Hilaire.
Cet automne, les vestiges de Saint-Hilaire ont été cristallisés et consolidés, le site a été remblayé et sécurisé (une intervention réversible), un cheminement permet de pleinement le découvrir. Les vestiges des murs et leurs énormes blocs granitiques, donnent une idée précise du passé du lieu.