Grâce à une bonne utilisation d’une intelligence artificielle (IA) générative développée à l’interne, Anna Velazia, la marque de bijoux auvergnate pourtant 100 % en ligne va ouvrir une boutique physique en plein centre de Clermont-Ferrand. Le raccourci est un peu simpliste mais c’est tout de même ce grand champ des possibles né de « cette révolution technologique qu’est l’IA générative » que veut illustrer Charles Marginier, le dirigeant d’Anna Velazia.
Une équipe complémentaireLa créatrice de bijoux, c’est sa compagne. Lui, 37 ans, est développeur informatique de formation. Et l’intelligence artificielle, il baigne dedans depuis le début de sa vie professionnelle et cette « aventure » avec la start-up Firerank.
C’était en 2017, à Clermont-Ferrand : ce média d’actu et de divertissement fort de plus de 12 millions d’abonnés sur Facebook avait dû fermer. « Le géant américain nous a virés en supprimant notre page. 35 collaborateurs sur le carreau du jour au lendemain ! » La blessure reste vive (notre article tiré des archives à lire ici)
Au point que, pour la marque de bijoux Anna Velazia, « nous avons développé tout notre infralogiciel en interne sans utiliser de solution toute faite ». D’autant plus que l’entreprise, aujourd’hui 4 M€ de chiffre d’affaires et douze salariés, « s’appuie totalement sur la tech ».
Pour l’algorithme du site marchant, mais aussi pour toute chaîne logistique, comprenant la création de logiciels maisons pour équiper les travailleurs handicapés de l’Établissement et service d’aide par le travail (Esat) Pierre-Doucinet pour la préparation et l’envoi des colis, puis ceux de l’Esat du CCAS de Clermont-Ferrand pour la production. « Nous portons des valeurs et notre savoir-faire technologique nous permet d’en faire bénéficier d’autres structures comme les Esat. »
Un avant et un après l’IA générativeC’est là qu’arrive décembre 2022 et cet effet « wouah » quand il teste l’intelligence artificielle générative. « J’ai fait une requête à ChatGPT pour qu’il rédige une histoire mettant en scène Emmanuel Macron et son épouse dans un potager à l’Élysée, s’esclaffe encore le Clermontois. J’ai été médusé. » L’IA a sorti « une histoire de dingue ! » « C’est à ce moment-là, avec ma vision de la tech, que j’ai compris qu’il allait y avoir un avant et un après l’IA générative. C’était la première fois qu’une machine était en capacité d’interpréter le contexte, de comprendre ma requête et de me proposer une réponse cohérente. Jusque-là, cela paraissait impossible ! »
L’entrepreneur qu’il est voit aussi tout de suite comment cette IA générative va pouvoir agir sur « les maillons de la chaîne » d’Anna Velazia. « J’ai commencé par le support client. Chez nous, nous y tenons, c’est toujours un humain qui répond. Mais je me suis demandé comment cette IA générative allait pouvoir assister le conseiller en produisant du texte par exemple. »
L’IA génère sur simple requête des réponses à partir des données internes de l’entreprise, le stock, les délais, l’acheminement, l’origine des pierres naturelles en quelques secondes…
Dans mon esprit, il ne s’agit pas de remplacer quelqu’un mais de lui fournir un outil qui lui permet de gagner du temps sur des tâches sans valeur ajoutée pour se consacrer à d’autres, comme passer plus de temps avec le client.
Charles Marginier imagine « des métiers qui ne vont pas nécessairement disparaître » mais qui vont évoluer. « À commencer par le mien, développeur informatique ! » Le code était un pont entre le langage de la machine et la langue des humains pour que l’on puisse se comprendre.
« Mais, désormais, nous n’en avons plus besoin. La machine sait parler notre langue. On est passé d’un système de chiffres à une élaboration de mots. Et le nerf de la guerre, c’est la donnée. L’IA générative est ultra-performante à condition de lui fournir les bonnes données, de faire une requête correcte, de savoir s’en servir en conservant ce qui fait de nous des humains, notre esprit critique, notre créativité… »
Chez Anna Velazia, la création des bijoux n’est ainsi pas déléguée à l’IA. « En revanche, notre process a changé. Avant, le bijou était pris en photo, une photo la plus belle possible, porteuse de sens et reflétant notre univers. Aujourd’hui, cela se fait par des requêtes avec l’IA générative. »
Quatre jours de travail réduits à quelques heuresQuatre jours de travail réduits à quelques heures. Un gain de temps, et moins de salariés ? « Sans doute que l’on fait aujourd’hui à douze le travail qui aurait nécessité quinze personnes. Mais c’est un faux problème, car grâce à ce temps nous sommes passés d’une marque 100 % en ligne à une marque qui vend en bijouterie. Jusqu’à ouvrir une boutique physique prochainement. L’IA générative nous permet finalement de nous rapprocher de nos clients. Et ces nouveaux services vont nous conduire à recruter. »Sans doute des profils différents. « L’IA générative est en train d’abstraire les métiers du tertiaire. Mais paradoxalement, et si l’entreprise en saisit l’opportunité, elle va raccourcir ou éliminer des tâches techniques pour faire plus et mieux d’humain. »
Cécile BergougnouxPhotos Richard Brunel