"Jusqu'à la victoire": sur l'écran géant face à plus de 5.000 sympathisants, Marine Le Pen a lancé une "campagne permanente" qui doit emmener le parti d'extrême droite vers - au plus tard - 2027. D'ici là, une stratégie de la "saturation" doit être mis en place, avec un meeting géant "par mois".
Finie l'introspection: après un été passé à ressasser les raisons de la défaite (142 députés RN et ciottistes élus, derrière la gauche, la macronie et surtout de la majorité absolue de 289 sièges un temps rêvée), le grand raout azuréen entendait affirmer autant le pouvoir que les ambitions du RN.
Sur la scène du palais Nikaïa, la triple candidate malheureuse à la présidentielle a revendiqué "la victoire des législatives", pour avoir recueilli "trois fois plus (de voix) qu'il y a deux ans".
Mais, les représentants du "parti unique", "de Laurent Wauquiez à Jean-Luc Mélenchon en passant par Emmanuel Macron", "se sont désistés" pour "empêcher une véritable alternance politique représentée par le RN et ses alliés", a-t-elle déploré.
Or, a fait observer Marine Le Pen, "ils ont ruiné la France et ont menti aux Français: cinquante ans pendant lesquels les gouvernements de droite, de gauche et du centre ont accumulé 3.228 milliards d'euros de dette". Conclusion selon elle: "Le Front républicain n'est qu'un syndicat de la faillite".
Sécurité en "garde alternée"
La patronne du groupe RN à l'Assemblée nationale, dont la décision de ne pas censurer d'office le gouvernement Barnier a permis sa nomination, s'en est encore pris au nouvel exécutif quant à la politique sécuritaire, selon elle "en garde alternée" entre le ministre de l'Intérieur et celui de la Justice.
"En semaine A, (elle est) confiée à M. Retailleau, en qui, avouons-le, nous avons trouvé un ardent défenseur de notre programme régalien (...) En semaine B, changement d'ambiance, notre sécurité est confiée à la quintessence du gauchisme candide en la personne de M. Migaud", a-t-elle ironisé.
A l'endroit de M. Retailleau, que d'aucuns perçoivent comme un élève de la méthode de "siphonnage" théorisée par Nicolas Sarkozy à Beauvau (2005-2007) et qui lui avait permis de convaincre l'électorat lepéniste pour la présidentielle de 2007, Marine Le Pen détresse pourtant aussitôt les louanges.
Soucieuse de respectabilité, elle l'a attaqué à rebours: à propos de l'"Etat de droit", que le ministre de l'Intérieur avait estimé "pas intangible", elle a souligné une "divergence majeure" et fait la leçon: "Ce n'est pas en tant que tel que l'Etat de droit doit être contesté, c'est tout le contraire (...) C'est la soumission de tous aux règles démocratiquement définies, et c'est l'une des immenses conquêtes de la civilisation européenne".
Le meeting de Nice apparaît comme un pied-de-nez au procès qui s'est ouvert lundi à Paris et qui la vise, ainsi que 24 autres prévenus dont le RN en tant que personne morale, accusés de détournement de fonds publics pour avoir fait travailler des assistants d'eurodéputés au seul bénéfice du parti.
En jeu: une peine d'emprisonnement, d'amende, mais surtout d'inéligibilité.
"Faible légitimité"
Devant ce péril, la patronne des députés RN entendait faire du rendez-vous de Nice un énième jalon d'une quatrième candidature à la présidentielle, aux côtés de Jordan Bardella, promis chef du gouvernement en cas de victoire.
"J'aurais aimé me présenter à vous en Premier ministre", a débuté son discours le député européen, demandant à la foule "de ne jamais douter".
Mais si l'avenir, ou le salut, du gouvernement Barnier est fonction du bon vouloir des députés RN de voter ou non une motion de censure, une nouvelle dissolution l'année prochaine est-elle souhaitable ? "Il faut être prêt à tout", a récemment martelé Marine Le Pen à ses troupes.
A Nice, Jordan Bardella a pris la peine de rappeler que le RN ne "soutenait pas" le gouvernement, raillant sa "légitimité démocratique" et son "assise électorale" la plus "faible" de la Ve République.
A court terme, les lepénistes s'interrogent surtout sur la manière dont le gouvernement parviendra à faire voter le périlleux budget 2025. Un parlementaire RN voit plus loin: "Peut-être que le président de la République va finir par devoir démissionner".