Un "freinage" est "indispensable". "Sinon on va droit vers une crise financière (...) Elle est devant nous, il faut la prévenir", a mis en garde vendredi le Premier ministre en marge du Sommet de l'élevage à Cournon-sur-Auvergne, dans le Puy-de-Dôme.
Il avait déjà dénoncé, dans sa déclaration de politique générale mardi, une dette "colossale" trouvée en arrivant à Matignon ainsi qu'un déficit public dépassant 6% du PIB cette année.
Il s'agit pour Michel Barnier de justifier ses mesures de "redressement" des finances publiques déjà contestées, qui représenteront 60 milliards d'économies dans le prochain budget, dont 40 milliards de réductions de dépenses et 20 milliards d'impôts supplémentaires.
"Nous avons trouvé beaucoup d'engagements, beaucoup de promesses" mais "moins d'argent", a souligné le Premier ministre en ciblant à nouveau le bilan de ses prédécesseurs macronistes qui sont aussi ses alliés au sein d'une fragile coalition gouvernementale.
De ce fait "le budget va être très contraint parce que nous sommes dans une situation financière extrêmement grave" qui remet en cause "la crédibilité de la France et sa capacité d'emprunter à des taux raisonnables", a-t-il encore fait valoir.
"Négation" des législatives
Michel Barnier utilise ce terme de "crise financière" à l'aube d'une semaine cruciale. C'est jeudi que le gouvernement présentera son budget, et le Premier ministre affrontera deux jours auparavant une première motion de censure.
Le texte de celle-ci a été déposé vendredi par la gauche. Un coup de semonce car le gouvernement a très peu de chances de tomber, le Rassemblement national ayant fait savoir qu'il ne la voterait pas.
Elle a été signée par 192 députés du Nouveau Front populaire et sera défendue devant l'Assemblée nationale par le premier secrétaire du PS Olivier Faure.
"L'existence de ce gouvernement, dans sa composition et ses orientations, est une négation du résultat des dernières élections législatives", estime notamment la motion.
La gauche est arrivée en tête en sièges aux législatives mais sans majorité, tout comme les deux autres blocs de l'Assemblée, celui du centre et de la droite, "socle" du gouvernement Barnier, et celui constitué par le Rassemblement national.
S'il ne s'associe pas à la censure, le parti de Marine Le Pen a mis le gouvernement sous "surveillance". Ses députés ont prévenu vendredi qu'ils s'opposeraient au décalage de six mois de l'indexation des retraites sur l'inflation.
"Jouer collectif"
En insistant sur la gravité de la situation, Michel Barnier espère aussi rallier les forces de ce qu'il appelle son "socle commun".
Accompagné dans le Puy-de-Dôme par deux ministres issus de familles politiques différentes, Annie Genevard (Agriculture) pour la droite et Antoine Armand (Economie) pour le centre, Michel Barnier a dit vouloir "jouer collectif" et "ouvrir le dialogue le plus large possible".
Les relations entre le gouvernement et les macronistes se sont envenimées ces derniers jours, notamment sur la question fiscale.
"Je ne voterai pas une augmentation d'impôts", a asséné le ministre sortant Gérald Darmanin, jugeant "inacceptable" le projet de budget.
"Ils (le gouvernement) exagèrent la situation pour mobiliser tout le monde, c'est de bonne guerre. Mais essayer de nous mettre en cause sur notre bilan c'est une erreur politique", estime un député macroniste.
Michel Barnier a tenté jeudi d'asseoir son autorité. "C'est moi qui fixe la ligne", a-t-il assuré lors d'un entretien sur France 2, en assumant des hausses d'impôts pour quelque "300 entreprises" ainsi que pour "les personnes les plus fortunées", et en nuançant la ligne dure prônée par son ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau sur l'immigration.
Au Sommet de l'élevage, Michel Barnier affichait vendredi la modestie que lui dicte la situation de son gouvernement minoritaire.
"Je ne vous raconterai pas d'histoires", "je vais faire ce que je peux", répondait-il, pressé d'agir en faveur des agriculteurs, questionné sur le plan social du producteur de lait Lactalis ou sur les retraites agricoles.