Dans une lettre adressée lundi soir aux rapporteurs généraux et aux présidents des commissions des Finances des deux assemblées, le ministre démissionnaire des Finances Bruno Le Maire et le ministre démissionnaire délégué aux Comptes publics Thomas Cazenave s'inquiètent de l'"augmentation extrêmement rapide des dépenses des collectivités".
Ce surcroît de dépenses pourrait "dégrader les comptes 2024 de 16 milliards d'euros par rapport" à la trajectoire de déficit envoyée à Bruxelles au printemps.
Déjà abaissées de "près de 30 milliards d'euros" au printemps, les prévisions de recettes fiscales pourraient par ailleurs ne pas être atteintes compte tenu d'une croissance "moins favorable aux recettes fiscales", redoutent les deux ministres.
Selon le président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale Eric Coquerel, destinataire des documents envoyés par Bercy, le déficit public pourrait atteindre 5,6% du PIB cette année au lieu de 5,1% espérés, et se creuserait à 6,2% du PIB en 2025 - au lieu de 4,1% - si 60 milliards d'économies n'étaient pas réalisées.
Même avec 30 milliards d'euros économies, le déficit public stagnerait encore à 5,2% du PIB l'an prochain, a pu lire M. Coquerel.
Le déficit public est le solde des comptes de l'Etat, de la Sécurité sociale et des collectivités locales.
"Les recettes ont diminué, c'est ça le principal problème", a analysé Eric Coquerel mardi sur BFM Business. "A partir de là, il y a deux politiques", a-t-il poursuivi: la taxation "des revenus du capital des plus riches" et l'augmentation des salaires, "pour qu'il y ait plus de cotisations qui rentrent" dans les caisses de l'Etat et de la Sécurité sociale.
Visée depuis fin juillet par une procédure européenne pour déficit excessif, la France, comme six autres pays de l'UE, doit envoyer avant le 20 septembre à Bruxelles son plan de redressement des comptes publics jusqu'à 2027, date à laquelle elle doit normalement être revenue sous les 3% du PIB pour le déficit public.
"Austérité"
Pour se donner une chance d'y parvenir, le gouvernement démissionnaire a préparé pour son successeur un budget 2025 "réversible", qui prévoit pour l'Etat des dépenses strictement équivalentes à celles de 2024 (492 milliards d'euros), mais réparties différemment entre ministères.
La répartition des crédits par ministère a été communiquée lundi soir aux parlementaires.
Selon "une première analyse" d'Eric Coquerel, "seuls les budgets dédiés à la défense et à la sécurité augmenteront plus vite que l'inflation" l'an prochain, a-t-il indiqué dans un communiqué de presse.
A l'inverse, "les politiques les plus touchées devraient être l’aide publique au développement (-18% sans tenir compte de l’inflation), le sport (-11%), l'agriculture (-6%), l'outre-mer (-4%), l'écologie (-1%) et la santé (-0,8%)".
Le travail (+1%) et l’éducation nationale (+0,5%) "seront également concernés par une baisse de moyens", puisque l'augmentation des crédits prévus est inférieure à une inflation prévisible autour de 2% l'an prochain.
Selon M. Coquerel, en tenant compte de l'inflation et de la fin naturelle de certains programmes, ce projet de budget - que le prochain exécutif pourra modifier à sa guise, mais dans des délais très contraints - "constitue une baisse de 15 milliards d'euros par rapport à la loi de finances adoptée en 2024". S'y ajouteraient 5 milliards d'économies dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, soit 20 milliards au total.
Sur BFM Business, Eric Coquerel a jugé mardi qu'il s'agissait là d'"une politique d'austérité (...) qui ne fait qu'aggraver le problème, tout simplement parce que dans un moment où l'activité économique faiblit dans le monde, quand vous baissez les dépenses publiques, vous augmentez l'aspect récessif de cette politique."