Présenté en compétition, "The Brutalist" aborde aussi plus largement la question des répercussions dans le temps du traumatisme de la Shoah, tant psychiquement chez les survivants et ceux qui les entourent, qu'à travers leurs œuvres et le monde qu'ils façonnent.
L'acteur américain, oscarisé il y a vingt ans pour son rôle de survivant du ghetto de Varsovie dans "Le Pianiste" de Polanski, reprend le cours de l'histoire occidentale à peu près où il l'avait laissé, à la fin de la Seconde guerre mondiale.
Dans "The Brutalist", réalisé par Brady Corbet, il incarne un architecte hongrois (fictif mais inspiré de plusieurs figures historiques) du mouvement Bauhaus appelé László Toth, qui parvient à émigrer aux Etats-Unis juste après guerre.
Reparti de rien et sans le sou, il sombre dans la drogue et la misère, avant de rencontrer un millionnaire de la banlieue de Philadelphie (joué par Guy Pearce), qui le nourrit, le loge et lui commande la réalisation d'un imposant bâtiment, dont la construction durera des années.
Alors que László entrevoit enfin la possibilité de croquer sa part du rêve américain, et la perspective de faire venir à ses côtés sa famille restée bloquée en Europe, la toile va commencer à se déchirer, rongée par la xénophobie et l'antisémitisme latent.
Le film, qui fait de l'architecture une métaphore habile des institutions humaines, a fait évènement lors de sa présentation sur le Lido. Il ne ressemble à rien d'autre dans une course au Lion d'or entamée mercredi et qui doit s'achever le 7 septembre.
Histoire virtuelle
Tourné en 70 mm, l'un des plus beaux formats pellicule, il s'étire sur 03H35, avec un quart d'heure d'entracte, et ne cesse de prendre des directions qui surprennent le spectateur.
Le Bauhaus est une école artistique qui fit florès au début du XXe avant d'être interdite par les nazis et ses représentants persécutés. "Il y a tellement d'architectes du Bauhaus talentueux et dont on n'a jamais pu voir ce qu'ils auraient voulu construire, quel futur ils imaginaient", a souligné le réalisateur du film, Brady Corbet, en conférence de presse.
"Ce film est malheureusement une fiction, de l'histoire virtuelle, le seul moyen de visiter ce passé", a ajouté le cinéaste de 36 ans, plus connu pour sa carrière d'acteur ("Mysterious Skin", "Funny Games"). Fruit de sept ans de travail, "le film leur est dédié, aux artistes qui n'ont pas pu accomplir leur vision".
Inspiré d'un thème plutôt ardu, "la manifestation physique des traumas du XXe siècle" dans l'architecture, "The Brutalist" est porté par un souffle et une attention à ses personnages qui ne le rend jamais pontifiant.
Le film revêt une importance particulière aux yeux d'Adrien Brody, qui a "ressenti tout de suite de la compréhension et de l'empathie pour le personnage".
"Ma mère (Sylvia Plachy) est une photographe new-yorkaise mais c'est aussi une immigrée hongroise, qui a fui la Hongrie en 1956 et s'est réfugiée aux Etats-Unis, et un peu comme László, elle a dû tout recommencer et a poursuivi le rêve de devenir une artiste".
"C'est une fiction qui a l'air très réelle, c'est très important pour moi de rendre le personnage réel", a-t-il poursuivi. "Le film non seulement représente le passé, mais doit nous rappeler ce passé, et ce qu'on doit en apprendre pour notre présent".