Le 9 août 2023, un violent incendie ravageait ce gîte alsacien, où était organisé un séjour pour des adultes handicapés. Très rapidement, la mairie indiquait que le bâtiment, une ancienne grange rénovée, n'était pas déclaré, ni conforme aux normes.
Une information judiciaire était ouverte par le parquet de Colmar, qui s'est dessaisi au profit du pôle des accidents collectifs du parquet de Paris. La gérante du gîte a été mise en examen pour "homicide involontaire" et placée sous contrôle judiciaire.
Il lui est reproché d'avoir exploité "un établissement recevant du public sans autorisation" et de ne pas avoir déclaré "la destination du bâtiment ni la capacité d'accueil du public lors du dépôt des permis de construire ou déclarations de travaux auprès de la mairie".
Sollicité par l'AFP, le parquet a indiqué que l'information judiciaire était toujours en cours et qu'il n'y a pas de nouvelle mise en examen.
"L'enquête suit son cours", explique Denis Renaud, président de l'AEIM 54, une association qui a perdu quatre de ses membres dans le drame et s'est constituée partie civile. "Un certain nombre de rapports ont été rendus par les experts". Il y a "un bon mouvement, quelque chose de positif qui se passe. C'est long mais on a bon espoir d'avoir un procès, peut-être en 2025".
"On baisse la garde"
Malgré l'émoi suscité par le drame, les associations qui accompagnent à l'année les personnes handicapées et les voient partir en vacances avec les 213 organismes agréés pour ces séjours, regrettent que toutes les leçons n'en aient pas encore été tirées.
"Nous, 365 jours par an, dans nos établissements, on a des notions de sécurité qui vont largement au-delà de celles qui sont proposées" en vacances adaptées, constate M. Renaud.
"Quand on les envoie en vacances, on baisse la garde pendant 15 jours avec des personnes qui ne sont pas formées, qui ne sont pas encadrées, dans des lieux qui ne sont pas contrôlés?" s'étonne-t-il.
Des dizaines d'annonces, publiées sur le réseau professionnel LinkedIn mi-juillet par des organismes de vacances adaptées, cherchaient à recruter dans l'urgence des accompagnateurs, sans réclamer de qualifications particulières.
Dans deux rapports rendus après l'incendie, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) insistait sur les difficultés de recrutement dans un secteur où les accompagnateurs doivent préparer les repas, conduire un minibus, administrer les médicaments...
Ces difficultés "se résorbent progressivement", assure à l'AFP le ministère chargé des personnes handicapées, soulignant que le succès du film "Un p'tit truc en plus" a "créé de nombreuses vocations".
Depuis le drame, les organisateurs de voyages adaptés doivent fournir davantage de documents, comme une attestation d'une commission de sécurité pour les établissements recevant du public (ERP).
Contrôles
Mais le gîte de Wintzenheim n'était pas déclaré ni donc classé ERP (comme doivent l'être les gîtes de plus de 15 personnes, six quand ils accueillent mineurs ou handicapés), arguent les associations. Dans ce cas, il faut maintenant fournir "la réponse du propriétaire indiquant les raisons pour lesquelles le lieu d'hébergement n'est pas soumis à la réglementation ERP", rétorque le ministère.
"Il n'y a pas eu d'avancée notable", estime M. Renaud, pointant l'engagement du gouvernement de communiquer une "liste des organismes de séjours adaptés qui auraient été revérifiés et contrôlés". "On n'a rien eu", soupire-t-il.
Au total, 342 contrôles ont été réalisés en 2023 auprès de ces organismes, qui ont organisé plus de 5.000 séjours, rappelle le ministère.
L'agrément d'Oxygène, la société de Nancy qui avait organisé le séjour à Wintzenheim, n'a pas été renouvelé. Il était provisoire au moment du séjour, ce que ne comprend pas Jean-Claude Jacoby, président de l'APEI Vallée de l'Orne, qui a perdu quatre résidents: "Normalement, on a un agrément ou on ne l'a pas". L'agence a fermé ses portes.
Mais le groupement Vadev, dont faisait partie Oxygène, possède plusieurs autres entreprise à Lille ou à Lyon. Contactés par l'AFP, ni son fondateur ni la direction des sociétés n'ont donné suite.
Le ministère explique que "certaines filiales du groupe Vadev ont pu faire l'objet de procédures contradictoires engagées à la suite d'un examen spécifique de leur propre agrément, permettant de conduire à des améliorations et au maintien de séjours".