Preuve de l'étendue de l'exploit réalisé par les trois Mousquetaires, il faut remonter à 1924, il y a cent ans à Paris, pour trouver trace d'un tel triplé français aux Jeux d'été, tous sports confondus. C'était en gymnastique, alors que les Français l'avaient aussi réussi en skicross aux Jeux d'hiver en 2014.
Et les Bleus l'ont fêté comme il se doit, se tombant dans les bras en faisant voler les casques, émus tous les trois, avant de chanter la Marseillaise à pleins poumons devant un public fiévreux qui chantait: et un et deux et trois zéro.
"On en a rêvé, on savait qu'on pouvait le faire. Le rêve devient réalité à la maison et c'est énorme", a jubilé Joris Daudet, 33 ans, légende de son sport avec trois titres mondiaux et sextuple vainqueur des USA National BMX Series, un record.
"Il n'y a pas meilleur endroit pour faire un triplé olympique qu'ici à Paris, chez nous, devant nos fans", a ajouté Romain Mahieu champion du monde 2023 qui, pour compléter son immense émotion, a ensuite vu sa compagne australienne Saya Sakakibara remporter l'or chez les femmes avant de lui tomber dans les bras dans l'aire d'arrivée.
La France domine le BMX depuis des années mais n'avait encore jamais décroché la moindre médaille olympique chez les hommes et aucune chez les femmes depuis le doublé d'Anne-Caroline Chausson et Laëtitia Le Corguillé à Pékin en 2008 pour la première apparition de ce sport aux Jeux.
"Comme à l'entraînement"
Alors quitte à mettre fin à la série noire, autant ne pas faire les choses à moitié. Aucune nation n'avait jamais réalisé une telle passe de trois aux JO dans ce sport, même pas les Etats-Unis.
"Il fallait au moins ça pour essayer de faire en sorte qu'on parle un peu de nous en face de Teddy Riner, en face de Léon Marchand. On est les meilleurs du monde, point", a réagi l'entraîneur national du BMX racing, Julien Sastre.
"Il fallait réaliser la course parfaite et ils l'ont fait. Je suis sûr que ceux qui font 2 et 3 aujourd'hui ont une petite pointe amère de ne pas avoir gagné. Mais qu'est-ce que c'est beau", a-t-il ajouté, très ému.
Dans une ambiance survoltée, les Bleus ont survolé les débats, remportant à eux trois toutes les manches des quarts et des demi-finales avant d'exploser aussi la concurrence en finale.
"C'était serré, tous les trois on avait l'objectif de gagner, a commenté Mahieu. On a fait comme à l'entraînement ou presque, à se suivre, en restant propre."
Hors de question cette fois de se rentrer dedans et de tout gâcher.
"Quand je suis deuxième et que je vois Joris devant je me suis dit: on va rester comme ça", a expliqué Sylvain André, champion du monde 2018, "passé à une place de la demande en mariage" comme il l'avait promis à sa compagne en cas de titre.
Ce triplé historique efface d'un coup le traumatisme de Tokyo où les trois mêmes pilotes étaient déjà en finale pour zéro médaille au bout après une chute.
Ce désastre leur a permis de resserrer encore les liens, notamment lors de stages en commun à Sarrians, dans le sud de la France.
"Potes en dehors"
Il y a un an, quasi jour pour jour, la France avait déjà signé un triplé aux Mondiaux de Glasgow, seulement réussi par les Américains il y a plus de vingt-cinq ans.
D'autres pilotes comme Arthur Pilard, champion d'Europe et vice-champion du monde 2023, ou Jérémy Rencurel ont contribué à une moisson inégalée en Coupe du monde.
"Cette densité nous tire vers le haut. Nous les plus anciens, les cadres, ça nous motive à rester dans le coup et à ne jamais se reposer sur nos lauriers", a souligné André, 31 ans.
"Quand on est en haut de la grille de départ, il n'y a plus d'amis. Ca nous permet à tous de relever notre niveau pour devenir meilleurs. Mais en dehors de la compétition on est potes", a souligné Daudet.
Et cela s'est vu dans la manière avec laquelle les trois pilotes ont accueilli leur triomphe lors de cette nuit magique à Saint-Quentin.