Le Nigeria, le pays le plus peuplé d'Afrique, traverse une grave crise économique, à la suite de réformes mises en place par le président Bola Ahmed Tinubu, arrivé au pouvoir en mai 2023. L'inflation des denrées alimentaires dépasse les 40% et le prix de l'essence a triplé.
La foule a ensuite saccagé et incendié un bâtiment abritant un centre numérique de la Commission des communications du Nigeria près du bureau du gouverneur.
La police a tiré des coups de feu en l'air pour disperser les manifestants et arrêté 13 personnes dans des zones de pillages et d’incendies volontaires.
A la périphérie d'Abuja, où se sont rassemblées des centaines de personnes, la police a aussi tiré des gaz lacrymogènes et a installé des barbelés pour empêcher l'accès au parc Eagle Square.
Les manifestations se déroulent sous haute sécurité, les autorités ayant prévenu ne pas vouloir voir se reproduire au Nigeria les récentes violences meurtrières au Kenya, déclenchées par un projet de nouvelles taxes.
Les participants au mouvement #EndbadGovernanceinNigeria (Mettre fin à la mauvaise gouvernance au Nigeria) demandent à M. Tinubu de revenir sur certaines réformes, comme la suspension de la subvention aux carburants, et de "mettre fin à la souffrance et à la faim" dans le pays.
"La faim m'a poussé à manifester", a commenté l'un d'eux, Asamau Peace Adams, 24 ans, devant le stade national d'Abuja. "Tout cela est dû à la mauvaise gouvernance", a-t-il ajouté.
Dans le nord de Lagos, la capitale économique, près d'un millier de personnes ont défilé pacifiquement, en scandant "Tinubu Ole", qui signifie "Tinubu voleur" en yoruba, une des principales langues du pays.
Les forces de sécurité ont également tiré des gaz lacrymogènes pour disperser la foule à Mararaba, dans la banlieue de la capitale, a rapporté un journaliste de l'AFP.
Les médias locaux ont affirmé que des centaines de manifestants étaient descendus dans les rues de Maiduguri, dans l'État de Bauchi, dans le nord-est du pays, et dans plusieurs autres États du pays.
"Nous avons faim"
"Nous avons faim, même la police et l'armée ont faim. (...) J'ai deux enfants et une femme mais je ne peux plus les nourrir", a déploré Jite Omoze, un ouvrier de 38 ans.
Les organisateurs de ces manifestations, une coalition informelle de groupes de la société civile, ont affirmé vouloir poursuivre leurs actions malgré des recours juridiques visant à limiter les rassemblements aux parcs publics et aux stades.
À la veille des manifestations, les représentants du gouvernement avaient appelé les jeunes à éviter les rassemblements et à laisser le temps aux réformes de porter leurs fruits.
Le gouvernement a dressé mercredi la liste des aides qu'il a proposées pour atténuer les difficultés économiques, notamment l'augmentation du salaire minimum et la livraison de céréales dans les États du pays.
"Le gouvernement du président Tinubu reconnaît le droit de manifester pacifiquement, mais la circonspection et la vigilance doivent être nos mots d'ordre", a déclaré à la presse le secrétaire du gouvernement de la Fédération, George Akume.
"Nous appelons les Nigérians à poursuivre sur la voie de la paix, du dialogue et de la collaboration", a-t-il ajouté.
La semaine dernière, l'armée nigériane a mis en garde contre toute reproduction des violences récentes au Kenya, théâtre de manifestations meurtrières qui ont forcé le gouvernement de William Ruto à retirer un projet fiscal décrié en juin. Au moins 50 personnes ont été tuées, selon l'agence nationale de protection des droits humains.
Le dernier grand mouvement de protestation au Nigeria a eu lieu en octobre 2020. Baptisé #EndSARS, il entendait mettre fin aux abus d'une brigade de police, la SARS, et s'est ensuite étendu à une contestation politique.
Ce mouvement était parvenu à obtenir la dissolution de cette unité de police, mais les manifestations se sont terminées dans un bain de sang avec au moins 10 manifestants tués, selon Amnesty International. Le gouvernement et l'armée ont nié toute responsabilité.