"Ce sont mes quatrièmes JO et tout le monde ici sait que je me suis battue pour y être." Les premiers mots en public jeudi de la vice-championne olympique par équipes depuis près de six mois sonnaient comme un euphémisme.
L'escrimeuse de 32 ans n'en finit plus de ferrailler face à la fatalité: un contrôle antidopage anormal, une blessure foudroyante à 40 jours de l'épreuve, la menace d'annulation d'une éventuelle médaille en cas de sanction en appel et une adversaire en acier trempé d'entrée dimanche, la N.5 mondial, la Polonaise Julia Walczyk-Klimaszyk.
Ilot de répit au milieu de ce flot de fléaux, la championne du monde 2022 a reçu le secours de ses coéquipières, "n'ayant aucun doute sur son innocence", dixit Pauline Ranvier, et prêtes à prendre le risque du retrait d'une éventuelle médaille par équipe.
"J'étais juste avec Eva (Lacheray) à table. J'ai mis les pieds dans le plat, je lui ai dit, écoute, qu'est-ce que tu penses ?", relate Ranvier à propos des coulisses de cette décision. "Et en se parlant, on se dit qu'on peut nous enlever la médaille mais qu'on ne nous enlèvera pas les émotions qu'on aura ce jour-là."
"J'ai pris mon téléphone, j'ai envoyé un message à Anita (Blaze). Je ne lui ai pas donné mon avis, je lui ai dit +qu'est-ce que tu penses ?+ Elle m'a répondu +On le fait avec Ysa+. Ca s'est arrêté là. C'était simple, net et précis, en fait."
"Jusqu'au bout avec elle"
"+Ysa+, dans tous les cas, on gagne avec elle, on perd avec elle. On a décidé d'être avec elle et on le sera jusqu'au bout", a résumé Anita Blaze.
"Ça m'a énormément touchée. Elles le savent, je leur ai dit", a livré Ysaora Thibus. "Elles ont pris cette décision unanime sans que je leur demande. Ca va au-delà du sportif, c'est tout ce qu'on a vécu ensemble et ce qu'on veut écrire ensemble dans ces Jeux."
Reste à savoir ce qu'elle sera en capacité de griffonner. La Guadeloupéenne boitillait encore mardi à Forges-les-Eaux et l'attelle posée à portée de main rappelait la gravité de sa blessure au genou gauche. Une "lésion ligamentaire" l'ayant fauchée dès son deuxième match de poule des Championnats d'Europe, qui marquaient sa reprise après quasiment cinq mois sans compétition.
"Avec tout ce qui m'est arrivé cette année, honnêtement je pense que je suis au-delà de ce à quoi les personnes peuvent attendre en ce moment", retient l'intéressée.
"La première véritable séance, le 15 juillet, a été compliquée parce qu'elle avait beaucoup d'appréhension", reconnaissait mardi l'entraîneur du fleuret féminin français Yann Detienne. "Mais au lendemain, il n'y a eu aucune douleur, le genou n'était pas gonflé, tout était positif."
"Ca a été vraiment une progression très cohérente. Elle est de mieux en mieux, a-t-il assuré. Elle est de plus en plus performante." Suffisamment pour que la tireuse des Abymes, du nom de sa ville d'origine, voit enfin la lumière dimanche ?