A l'instar d'autres destinations très touristiques, l'île des Cyclades perchée sur un volcan frise la saturation par endroits et veut désormais restreindre le nombre de paquebots de croisière.
Une vue devenue le symbole de la Grèce, reproduite des milliers de fois sur des boules à neige, des magnets, des affiches, des tasses, des torchons...
Dans ce décor célèbre dans le monde entier, on peut même réserver une séance photo avec "une robe qui vole" pour "se sentir comme une déesse grecque"... délestée toutefois de 270 à 370 euros.
Plus loin, des écriteaux rappellent une évidence qui ne semble plus l'être: "Respect. Ce sont vos vacances... mais c'est chez nous."
Dans une Grèce qui a enregistré l'an dernier un record de 32,7 millions de visiteurs, Santorin a accueilli 3,4 millions de touristes, pour une population de 15.500 personnes.
Et pour le maire de l'île, ça suffit.
"Fixer des limites"
"Nous devons fixer des limites si nous ne voulons pas sombrer dans le surtourisme", avertit Nikos Zorzos. "Je demande à ce qu'aucun lit supplémentaire ne soit autorisé (...), que ce soit dans de grands hôtels ou pour de la location sur AirBnB".
Le paysage de Santorin créé par une éruption volcanique vers 1.600 avant Jésus-Christ est "unique", martèle l'édile. Et il "ne devrait pas être endommagé par de nouvelles infrastructures" alors que près de 20% de l'île est désormais construite.
A l'aplomb de la falaise, une myriade de piscines et de jacuzzis rappelle que Santorin est une destination plutôt chic et chère.
Le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis, qui a relancé une économie essorée par la crise grâce à la promotion du tourisme, a récemment reconnu que, comme Mykonos chérie par la jet-set, Santorin était "clairement en souffrance".
En 2023, 800 paquebots de croisière ont accosté sur l'île, déversant près de 1,3 million de passagers, selon l'Association hellénique des ports.
"Nous devons protéger certaines îles" comme Santorin et Mykonos, "joyaux de la couronne" du tourisme grec, reconnaît également la ministre du Tourisme, Olga Kefaloyanni, dans un entretien à l'AFP.
"Nous devons établir des quotas parce que c'est impossible pour une île comme Santorin (...) d'avoir cinq paquebots de croisière qui arrivent en même temps", selon elle.
Dès l'an prochain, une jauge de 8.000 croisiéristes par jour doit être mise en place, ont récemment décidé les autorités locales.
Le président de l'association des hôteliers de Santorin, Antonis Pagonis, réfute l'idée de surtourisme sur l'île, mais prône une meilleure organisation pour réguler les flux de visiteurs.
"Il n'est pas possible que le lundi, vous ayez 20.000 à 25.000 touristes des navires de croisière et le lendemain aucun", s'agace-t-il.
Coucher de soleil
Comme beaucoup, il affirme que la saturation ne concerne que certaines parties de l'île, comme Fira, la capitale, ou Oia.
De l'autre côté de l'île, les plages de sable noir affichent une fréquentation raisonnable pour juillet.
Les paquebots de croisière "font beaucoup de tort à l'île", renchérit Chantal Metakides, une Belge qui vit à Santorin depuis 26 ans. "Quand il y a huit ou neuf bateaux qui dégagent des fumées, on voit la couche de pollution dans la caldeira" - la baie qui a remplacé le coeur de l'ancien volcan effondré -, souligne-t-elle.
Des insulaires pestent aussi contre certains clients de ces paquebots.
"J'en ai déjà entendu dire dans un appel en visio: +Je suis en Turquie!+", sourit Kostas Sakavaras, un guide touristique. "Ils pensent que cette église (à la coupole blanche) est une mosquée parce qu'hier ils étaient en Turquie."
Ce professionnel installé depuis 17 ans à Santorin a vu les touristes évoluer.
"Instagram définit désormais la façon dont les gens choisissent leur destination" de vacances, analyse-t-il. "Tout le monde veut avoir cette photo ou ce selfie Instagram qui va confirmer ce qu'ils s'attendaient à voir", poursuit-il.
En cette soirée de juillet, le ciel au-dessus de l'Egée a pris une couleur rubis. Des milliers de bras en l'air capturent avec leur smartphone un coucher de soleil parmi les plus beaux du monde.
Quand le spectacle de la nature s'achève, certains applaudissent.