Pour la première fois, l'accueil chez un assistant familial, moyennant rémunération, "n'est plus la modalité de prise en charge la plus fréquente" des enfants confiés à l'ASE, selon une étude publiée mardi par la Drees, le service statistique des ministères sociaux.
Fin 2022, 381.000 mineurs et majeurs de moins de 21 ans bénéficiaient de mesures d'aide sociale à l'enfance, indique la Drees.
Plus de la moitié, soit 208.000 jeunes (+1,7% sur un an), sont "placés" hors de leur famille, en foyers ou chez des assistants familiaux. Pour les 45% restants, un travailleur social intervient auprès du jeune dans sa famille.
Désormais, pour ceux qui sont placés, vivre chez une assistante familiale n'est plus le plus courant: 38% "contre 56% à son maximum en 2006", observe la Drees.
Comme tous les métiers du social, les assistantes familiales, majoritairement des femmes, sont difficiles à recruter.
"Un foyer peut tourner avec un manque de personnel, certes au détriment de la sécurité et de la qualité. Ce n'est pas possible pour une famille d'accueil", explique Baptiste Cohen, coordinateur protection enfance à la fondation Apprentis d’Auteuil.
83% des assistants familiaux ont plus de 45 ans, 1,5% ayant entre 25 et 34 ans, selon l'étude "Assistant familial: évolution des profils et enjeux professionnels" de 2022.
La protection de l'enfance est "obligée de placer en foyers des jeunes dont on sait qu'ils seraient mieux dans des familles d'accueil", explique Pierre-Alain Sarthou, directeur général de Cnape, principale fédération d'associations de protection de l’enfance.
"Taux d'encadrement, sécurité affective, placement à long terme: la solution de la famille d'accueil serait parfois préférable", explique-t-il.
De plus, en raison des carences de la prévention auprès des familles et des difficultés de la pédopsychiatrie, les situations des jeunes s'aggravent, note M. Cohen.
Or l'accueil de jeunes "complexes, avec des difficultés relationnelles, d'attachement", ou des comportements violents, est plus difficile en familles d'accueil, plus isolées. "Certains n'en peuvent plus", souligne M. Cohen.
Les "établissements habilités" (foyers...) sont "pour la première fois la modalité d’accueil la plus fréquente": 41% des jeunes confiés à l'ASE, selon la Drees.
ASE: hausse des mesures
Un mode d'accueil plus coûteux pour les finances publiques: 31.600 euros par jeune par an en famille d'accueil, contre 41.900 euros pour les autres modalités d’accueil (3.490 euros par mois), selon la Drees.
La situation varie aussi selon l'âge: deux tiers des enfants âgés de 3-5 ans sont accueillis chez une assistante familiale, contre seulement 19% des 16-17 ans, plus souvent en foyers et logements autonomes.
Or le nombre de jeunes vulnérables pris en charge au titre de la protection de l'enfance ne faiblit pas.
Entre 1998 et 2022, le nombre de mesures ASE a augmenté de 40%. Elles concernaient 2,29% des jeunes en 2022 contre 1,66% en 1998, selon l'étude de la Drees.
"Le grand public signale davantage les violences faites aux enfants. Par ailleurs, à défaut de mesures de soutien à la parentalité suffisante, il y a davantage d'enfants en danger", explique M. Sarthou.
Auxquels s'ajoutent les mineurs isolés étrangers qu'il revient aux départements de prendre en charge: 19% des jeunes de l'ASE fin 2022 sont des mineurs non accompagnés (MNA) et jeunes majeurs ex-MNA.
"Les départements sont pris en tenaille entre la chute de leurs recettes fiscales, liées à l'immobilier, et le nombre de jeunes à héberger, placés par le juge ou mineurs non accompagnés", qu'ils ne peuvent refuser, selon M. Sarthou.
Sur les 9,9 milliards d'euros que les départements ont consacrés en 2022 à la protection de l'enfance, 7,9 milliards ont été pour l’hébergement en foyers ou familles d'accueil, selon la Drees.
En revanche, les budgets consacrés à la prévention "ne cessent de baisser. Des parents en grande difficulté éducative ne sont pas aidés assez tôt. Au point de mettre l’enfant en danger et d'aboutir à un placement", observe M. Cohen.