Sourire pincé aux lèvres, Dupont prend la pose au milieu des joueuses de l'équipe d'Australie, presque gêné d'être sollicité de la sorte par ses homologues, elles aussi victorieuses quelques instants plus tôt de l'étape finale du circuit mondial de rugby à VII à Madrid.
L'instantané est révélateur du pouvoir d'attraction du demi de mêlée du Stade toulousain, considéré comme l'un des meilleurs joueurs actuels de la planète et même l'un des meilleurs de l'histoire de son sport.
Discipline spectaculaire choisie pour la réintégration du rugby au programme olympique, à Rio en 2016, le VII est toujours resté en France dans l'ombre écrasante du XV.
Son circuit mondial n'est pas forcément évident à suivre avec le décalage horaire de ses étapes dans des pays sans véritable culture rugbystique (Dubaï, Singapour, Vancouver...), où les stades sonnent parfois creux.
Mais les lignes ont bougé avec l'arrivée dans le décor de "Superdupont", acclamé par le public à chacune de ses apparitions sur les écrans géants et suivi comme son ombre par les journalistes.
"Il ne laisse pas indifférent"
"Quand on apprend qu'il y a quasiment plus de monde pour le voir faire un entraînement (avec les septistes) que pour des conférences de presse du Tournoi des six nations, c'est presque flippant", s'étonnait en janvier son entraîneur à Toulouse Ugo Mola.
"Mais c'est la réalité d'Antoine Dupont. C'est un garçon qui ne laisse pas indifférent", avait-il développé. "On va tout faire pour l'accompagner, le mettre dans les meilleures dispositions pour qu'il continue à attirer l'intérêt des médias et des foules et mettre en lumière ce sport qui en a besoin".
Contrairement au footballeur Kylian Mbappé, bloqué par son nouveau club, le Real Madrid, Dupont a été largement soutenu par le Stade toulousain, et la Fédération française de rugby, pour pouvoir assouvir son rêve olympique.
Le joueur de 27 ans, au sommet de son art, est l'un des plus grands noms de la délégation tricolore à Paris en compagnie du judoka Teddy Riner, du nageur Léon Marchand ou du basketteur Victor Wembanyama.
Ce pur-produit du Sud-Ouest humble et bien élevé, à l'image éloignée de celle donnée par le XV de France lors de sa récente tournée cauchemardesque en Argentine, marquée par l'inculpation de deux jeunes joueurs pour viol aggravé, a même fait en début d'année son entrée dans le classement des personnalités préférées des Français, à la 38e place.
Une plus-value sportive
"C'est un super ambassadeur pour nous", a reconnu le sélectionneur des septistes français Jérôme Daret il y a deux semaines à Pau, où près de 10.000 personnes sont venues assister à un simple entraînement de Dupont et de ses coéquipiers.
"Quand vous en creusez un peu l'histoire, les Jeux olympiques existent aussi pour faire société, donner du plaisir aux gens, amener de la dramaturgie, créer des émotions", a-t-il ajouté. "Lui (Dupont), il vient dans cette dynamique-là".
Sa présence dans son équipe n'est pas qu'un coup marketing. "Toto" apporte une réelle plus-value sportive aux Bleus du VII, vainqueurs de deux tournois cette saison en sa présence sur le circuit mondial, à Los Angeles et Madrid.
Le meilleur joueur mondial (à XV) de l'année 2021 a assimilé avec une facilité déconcertante les spécificités physiques et techniques de sa nouvelle discipline et partage au reste du groupe sa culture de la gagne et son expérience du haut niveau.
Pas franchement adapte de l'exercice médiatique, il refuse de tirer la couverture à lui, mais une médaille d'or olympique, après avoir déjà réalisé le doublé Coupe d'Europe-championnat avec Toulouse, n'arrangerait pas ses affaires de ce côté-là.