"La rivière était la seule chose qui nous séparait des flammes. De l'autre côté, le feu a tout dévasté", dit à l'AFP Virginia Paes, pompière volontaire et présidente de l'association des Femmes productrices de la réserve Baia Negra.
"On ne s'était pas encore complètement remis des incendies de 2020 et on a dû faire face une nouvelle fois à ce problème", soupire cette femme de 53 ans.
La communauté regroupe 28 familles qui vivent de la pêche, de l'artisanat, de la cueillette ou du tourisme écologique à Ladario, dans l'Etat du Mato Grosso do Sul, dans le centre-ouest du Brésil.
Elle est établie au sein de la réserve de protection environnementale Baia Negra, la première du Pantanal, plus grande zone humide de la planète, au sud de l'Amazonie.
En 2020, l'année où le Pantanal a vécu les pires incendies de son histoire, 50% de la réserve avait été atteinte par les flammes.
Le mois dernier, elles sont arrivées tout près, brûlant la végétation de l'île du Bracinho, de l'autre côté de la rive.
Mais sa communauté n'a pas été épargnée par la fumée, qui affecte au quotidien la santé des habitants. "On arrivait à peine à respirer", déplore Virginia Paes.
- Pêche compromise –
Le Pantanal a enregistré 3.528 départs de feu depuis le début de l'année, un record pour un premier semestre. Un phénomène accentué par une sécheresse exceptionnelle, liée selon les experts au changement climatique.
Mais les autorités attribuent avant tout ces incendies à l'action humaine, notamment la pratique du brûlis pour l'expansion agricole.
Pour André Luiz Siqueira, de l'ONG Ecoa, implantée depuis 30 ans dans la région, "les communautés traditionnelles sont les véritables gardiens des écosystèmes où elles sont implantées".
"Je crains que dans quelques années on risque de voir des déplacés climatiques" au Pantanal, alerte-t-il.
Créée en 2010, la réserve Baia Negra s'étend sur plus de 5.400 hectares. On y trouve des espèces emblématiques de la région, comme le caïman, le jaguar ou le capivara, plus grand rongeur du monde.
Les incendies menacent directement une des activités essentielles à la survie de la communauté: la pêche.
La fumée intoxique les poissons et le lit de la rivière a fortement baissé en raison de la sécheresse.
"C'est beaucoup plus difficile de pêcher, on ne trouve plus de poisson. Avant, je vivais de la pêche, mais à présent je travaille comme opérateur de four industriel" dans une usine à Ladario, explique Marcelo Henrique, 33 ans.
Et il n'est pas le seul à avoir changé d'activité: "Il y avait 30, 40 bateaux de pêche auparavant, mais il en reste très peu aujourd'hui".
- Gare au jaguar –
Renato Andrade, 52 ans, se souvient d'un temps où la pêche et la chasse étaient abondantes dans la réserve. A présent, la pénurie affecte non seulement les habitants, mais aussi les jaguars en manque de proies.
"Avant les grands incendies (de 2020), on n'entendait pas parler d'attaques de jaguars dans les environs. Maintenant, j'entends des feulements près de chez moi", raconte-t-il.
Les membres de la communauté s'imposent donc une espèce de couvre-feu.
"La nuit, il faut rester chez soi. Dès 18H30, personne ne veut aller dehors, on a trop peur. C'est devenu dangereux d'habiter ici, à cause de la pénurie de proies naturelles du jaguar", comme le capivara, résume Renato Andrade.
Les animaux de compagnie sont les premiers à en faire les frais. "Je ne compte plus le nombre de chiens dévorés par les jaguars", dit-il.
Et pas question de pêcher la nuit, comme il le faisait souvent auparavant: "Je ne veux pas servir de dîner au jaguar".