Sept ans après les faits, survenus lors d'un après-match de Top 14 très alcoolisé en 2017, et à l'issue d'une procédure ponctuée de recours, la cour a fait droit à la demande de la défense de l'Irlandais Denis Coulson, dans l'incapacité de comparaître après un accident de la circulation le 12 juin.
"Il a subi un accident de la route extrêmement grave, il est hospitalisé à l'heure où l'on parle. On ne sait pas encore comment la situation va évoluer", a déclaré à l'audience son avocate, Me Corinne Dreyfus-Schmidt.
"Notre cliente n'est pas contente du tout de ce renvoi mais on ne pouvait pas faire autrement au regard de la cohésion qu'on doit avoir pour la tenue du procès", a réagi l'un des conseils de la victime, Me Anne Cadiot-Feidt.
"On ne peut pas faire sans Coulson, pour être très franche. Si Coulson n'avait pas fait ce qu'il a fait, nous ne serions pas devant une cour d'assises", a-t-elle ajouté.
Outre Denis Coulson, aujourd'hui âgé de 30 ans, le Néo-Zélandais Rory Grice, 34 ans, et le Français Loïck Jammes, 29 ans, sont accusés de viol en réunion, tandis que l'Irlandais Chris Farrell, 31 ans, et le Néo-Zélandais Dylan Hayes, 30 ans, sont poursuivis pour non-empêchement de crime.
Les trois principaux mis en cause plaident le "consentement" de la victime, alors âgée de 20 ans. Ils encourent une peine de 20 ans de réclusion.
Avant le renvoi du procès, reporté du 2 au 13 décembre, les quatre accusés présents lundi, larges épaules et chemises claires, ont énuméré leurs noms, prénoms et professions, pour certains par le biais d'interprètes. Tous comparaissaient libres.
Prise de conscience
Les faits survenus dans un hôtel de Mérignac, dans la banlieue bordelaise, remontent à mars 2017, après un match entre l'Union Bordeaux-Bègles et le FC Grenoble.
Lors d'une "troisième mi-temps" festive, des joueurs grenoblois avaient croisé la route de plusieurs jeunes femmes avant de revenir à l'hôtel avec la plaignante, V., elle-même très alcoolisée.
Quelques heures plus tard, cette dernière disait reprendre ses esprits nue sur un lit, avec une béquille dans le vagin, entourée de deux hommes nus et d'autres habillés. En larmes, elle avait aussitôt dit avoir été victime d'une agression.
Longs cheveux et veste blanche, la plaignante s'est présentée en larmes à l'audience lundi, très entourée par ses proches. Elle a demandé à prendre la parole, à huis clos, sur l'absence de Denis Coulson et l'hypothèse d'un renvoi.
La partie civile espère que le dossier contribuera à une prise de conscience en matière de violences sexuelles dans le monde du rugby, où la problématique de l'alcool a été pointée du doigt dans plusieurs rapports.
"Le +phénomène Meetoo+ n'a peut-être pas pénétré certaines activités sportives, leur organisation et leur mode de fonctionnement", a expliqué à l'AFP Me Anne Cadiot-Feidt, l'une des quatre conseils de la victime.
"Les clubs ont leurs chartes, claires et limpides. Mais en pratique, il reste encore beaucoup à faire", juge-t-elle.
Consentement
L'un des enjeux du dossier est la question du consentement de la victime, qui dit ne se souvenir de rien entre son départ de la discothèque et son réveil à l'hôtel.
D'après un expert toxicologique, V. aurait eu entre 2,2 et 3 grammes d'alcool par litre de sang à ce moment-là. Sur des images de vidéosurveillance à son arrivée à l'hôtel, elle tient difficilement debout, selon l'accusation.
Se basant sur les auditions des mis en cause, de témoins et une vidéo tournée par Denis Coulson pendant un acte sexuel, les enquêteurs évoquent notamment plusieurs fellations, ainsi que l'introduction d'une banane, d'une bouteille et de béquilles dans le vagin de la jeune femme.
Coulson, Jammes et Grice ont reconnu avoir eu des relations sexuelles avec V. mais assurent qu'elle était consentante et avait même pris des initiatives. Farrell, à qui appartenaient les béquilles, était présent dans la chambre pendant les faits et Hayes a assisté à la scène.
Les cinq joueurs ont continué leur carrière professionnelle par la suite, mais deux d'entre eux, Coulson et Hayes, ont désormais pris leur retraite.