Le Tour de France est une fête. Fête nationale s’il en est. Du fond de son canapé, le vaillant sportif par procuration peut tout à loisir regarder défiler le pays et s’offrir ainsi, sans même remuer un orteil, le grand dépaysement dont il est tellement friand.
Le Tour, il y a d’abord les coureurs, bien entendu, gambettes alertes et vigoureuses, casaques chamarrées, regard fixé sur la ligne bleue des Vosges, la ligne d’arrivée en la circonstance. Le peloton qui passe trop vite dans le chuintement étonnamment mélodieux des mécaniques bien huilées.
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Et puis il y a la fête avant la fête, la caravane publicitaire qui, elle prend son temps. C’est clinquant, tonitruant, pétaradant, toujours identique, toujours différent. Jadis, l’immortelle Yvette Horner, muée elle aussi en « forçat de la route », bouclettes improbables au vent, bouche peinturlurée vampire, surgissait du toit ouvrant du véhicule au moindre attroupement de badauds pour donner à l’accordéon les flonflons des bals popu’ de l’époque. Re-belote le soir à la ville étape. « Forçat de la route », disais-je. Aujourd’hui, il n’y a plus ni bouclettes ni Yvette. Il n’y a plus la plume d’Antoine Blondin pour donner à ces choses vues leurs lettres de noblesse.
Mais il y a ce qui ne change pas. Le quinqua ventripotent qui se prend à cavaler comme un gamin pour récupérer au fossé une casquette à deux balles. Il y a aussi l’autre caravane (le plus souvent métamorphosée désormais en camping-car), la caravane du touriste, du vacancier de juillet, qui, malin, fait bivouac depuis des jours dans tel virolet du Tourmalet pour être à poste le moment venu et s’offrir le défoulement canaille de brailler jusqu’à l’apoplexie. Se voulant étranger à ces rites populaires, le bourgeois regarde avec condescendance, comme il se doit. Qu’importe ! Le bobo aboie, la caravane passe. Vive le Tour! Le Tour et son grand bol d’air. Cette année plus que jamais…
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