![L'échec du bipartisme, censé faire barrage aux candidats comme Donald Trump et Marine Le Pen](http://i.huffpost.com/gen/3765586/images/s-DONALD-TRUMP-MARINE-LE-PEN-mini.jpg)
INTERNATIONAL - La France et les États-Unis se considèrent comme les deux fondateurs de la démocratie républicaine moderne et d’un système bipartite dont les extrêmes sont exclus.
L’idée est rassurante et assez juste. Mais cette semaine,
élections, sondages et discours de campagne l’ont sérieusement mise à mal chez ces deux symboles de l’âge des Lumières.
Aux États-Unis comme en France, la peur des réfugiés, des immigrés et des terroristes issus de l’islam radical font resurgir un nationalisme violemment xénophobe, à mille lieues des valeurs de tolérance et d’intégration chères aux deux pays, qui ont fréquemment lutté pour les défendre.
Il est de notoriété publique que Marine Le Pen, présidente du Front national, et Donald Trump, favori des primaires républicaines américaines, ont tiré parti de cette vague de peur qui frappe leur pays respectif. Ils sont aussi le signe d’une réalité moins évidente: les grands partis politiques ont peut-être perdu leur vertu modératrice, voire toute influence.
Dans la plupart des pays, ils sont considérés non pas comme des vecteurs de changement mais comme un outil dont les élites se servent pour garder le contrôle sur un système corrompu.
Leurs idées légitimées par les autres partis
Les réseaux sociaux permettent à présent la formation de groupements spontanés autour d’une personnalité ou d’une cause fédératrice. L’histoire d’un parti, ses valeurs, ses priorités et ses actions au fil des décennies n’ont plus autant d’importance.
Et, dans les deux pays, les stratégies des partis n’ont rien fait pour remédier à cet état de fait. En France, les idées de Marine Le Pen et de son parti ont été légitimées par les autres partis, qui s’en sont fait l’écho, surtout au lendemain des attentats islamistes qui ont fait 130 morts à Paris.
Les Républicains, parti de centre-droit dirigé par Nicolas Sarkozy,
ont fait de l’œil aux électeurs d’extrême-droite dans l’espoir de récupérer le vote frontiste. Tout en dénonçant Marine Le Pen, Sarkozy a adopté son discours sur la délinquance, l’immigration et la remise en cause des accords de Schengen.
Les élections régionales ont durement sanctionné cette stratégie. François Hollande a assumé le rôle de garant de la sécurité et de chef des armées au lendemain des attentats. Certaines des mesures annoncées par le gouvernement – instauration de l’état d’urgence, multiplication des bombardements contre Daech en Syrie – étaient similaires à celles que préconisait le Front national, mais le président n’a pas gagné au change car les efforts consentis en politique étrangère se sont faits au détriment du véritablement ennemi intérieur: un chômage à deux chiffres qui ne cesse de progresser.
Au lendemain du premier tour, Le Pen a pu déclarer que le FN était “sans conteste le premier parti de France”. On peut observer la même dynamique aux États-Unis, à quelques détails près. Les démocrates ont légitimé Donald Trump en faisant campagne contre lui. Les républicains l’ont, quant à eux, accueilli à bras ouverts (du moins jusqu’à présent).
Face à Trump, les républicains se retrouvent coincés
Depuis l’annonce de sa candidature, les démocrates n'ont jamais oublié de lui faire de la publicité car ils estiment que Trump handicape de plus en plus la campagne de l’opposition républicaine. Mardi 8 décembre, par exemple, Hillary Clinton, en tête des sondages chez les démocrates, a consacré un important discours dans le New Hampshire à dénoncer la dernière proposition du magnat de l'immobilier:
l’interdiction faite à tous les musulmans de pénétrer sur le territoire américain, touristes compris.
Les républicains, qui avaient jusque-là fait bloc autour de leur candidat, se retrouvent maintenant en position délicate. En mai, l’annonce de sa candidature n’avait pas été prise au sérieux, mais les républicains avaient décidé de l’accueillir. Après tout, Trump était un homme d’affaires en vue et une star de la télé, susceptible de rapporter beaucoup d’argent à leur parti.
En 2012, il avait montré son pouvoir de nuisance en demandant à Barack Obama de prouver qu’il était bien américain et chrétien. Des provocations explosives que les républicains "traditionnels" ne se permettraient jamais mais qui réjouissaient les électeurs de base. Les chefs du parti ont cru avoir joué finement en exigeant que Trump jure "solennellement" qu’il soutiendrait, quoi qu’il advienne, le vainqueur des primaires républicaines. Or, ce serment engage également les autres candidats républicains, qui devront se ranger derrière Trump en cas de victoire.
À l’époque, personne n’aurait apporté le moindre crédit à cette hypothèse. Personne, sauf Donald Trump. En lui accordant autant d’importance, les républicains se retrouvent coincés. Sa demande d’"interdiction totale" de toute immigration musulmane – proposition scandaleuse, manifestement odieuse et peut-être anticonstitutionnelle – lui a même valu d’être condamné par l’ex-vice-président des États-Unis, Dick Cheney.
Le président du parti républicain, les chefs de l’opposition au Congrès et la plupart des candidats à l’élection présidentielle de 2016 (mais pas tous) en ont fait de même. Mais Trump est déjà le grand favori. Et il est désormais impossible de faire marche arrière.
Cet article, publié à l’origine sur le Huffington Post américain, a été traduit par Guillemette Allard-Bares pour Fast for Word.
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