Nicolas Sarkozy a demandé la récusation de l'une des deux magistrates qui l'ont mis en examen pour corruption, en mettant en cause son impartialité, a-t-on appris vendredi de sources judiciaires.
Comme l'a révélé Le Monde, la juge visée, Claire Thépaut, s'est retirée du dossier le temps que la demande soit tranchée par la présidence de la cour d'appel de Paris, a précisé l'une des sources.
Cette enquête, qui menace Nicolas Sarkozy d'un renvoi en procès avant la présidentielle de 2017, avait déjà été suspendue plusieurs mois, le temps que la cour d'appel se penche sur la validité des écoutes téléphoniques qui sont au c?ur du dossier. La cour d'appel avait rejeté en mai 2015 les nullités soulevées par l'ancien chef de l?État, qui s'est pourvu en cassation.
Nicolas Sarkozy, dont l'avocat et l'entourage n'ont pas répondu à l'AFP, avait durement mis en cause Claire Thépaut après sa mise en examen, début juillet 2014, lui reprochant son appartenance syndicale.
"Est-il normal qu'on choisisse (...) un magistrat qui appartient au SM", le Syndicat de la magistrature classé à gauche, "dont l'obsession politique est de détruire la personne contre qui il doit instruire à charge et à décharge?", avait-il lancé lors d'une interview radio-télévisée.
Lors de sa garde à vue, il avait rappelé, selon une source proche du dossier, que le SM avait appelé à voter contre lui en 2012 et avait souligné des propos de Claire Thépaut, à l'époque magistrate à Bobigny, dans Mediapart après la victoire de François Hollande: "Nous aspirons tous à retrouver du calme, de la sérénité et de la confiance".
Les juges, qui s'appuient sur les écoutes, soupçonnent Nicolas Sarkozy d'avoir tenté d'obtenir fin 2013-début 2014, via son avocat Thierry Herzog et auprès de Gilbert Azibert, alors magistrat à la Cour de cassation, des informations couvertes par le secret dans l'affaire Bettencourt, où il contestait la saisie de ses agendas.
Les juges soupçonnent aussi Gilbert Azibert, qui nie, d'avoir tenté d'influencer ses collègues pour rendre une décision favorable, en échange d'une promesse d'intervention pour obtenir un poste prestigieux à Monaco.
Nicolas Sarkozy, qui conteste vigoureusement toute infraction, est mis en examen notamment pour corruption et trafic d'influence actifs. Son avocat et le magistrat sont aussi mis en examen.
Gilbert Azibert avait également saisi le Conseil constitutionnel dans le cadre de son pourvoi, retardant l'examen du dossier par la Cour de cassation, désormais prévu le 5 janvier. Thierry Herzog a pour sa part saisi la cour d'appel après avoir été convoqué par les juges en octobre, estimant que l'enquête devait rester suspendue le temps que la Cour de cassation se prononce sur la validité de la procédure.
Selon l'une des sources judiciaires, Claire Thépaut, qui a remis ses observations à la présidence de la cour d'appel, a contesté les arguments de l'ancien président sur sa supposée partialité.
Une décision en matière de récusation n'est pas susceptible de recours. La loi prévoit que la récusation est possible notamment s'il y a des liens familiaux ou d'intérêts avec une des parties ou s'il y a entre le magistrat et cette partie "toute manifestation assez grave pour faire suspecter son impartialité".