Idéologue salafiste, Olivier Corel est souvent présenté comme le mentor de jihadistes comme Fabien Clain, "la voix" des attentats du 13 novembre. Mais des travailleurs sociaux, experts, familles de victimes ou d'islamistes restent perplexes sur la véritable influence de "l'émir blanc".
Mardi 24 novembre au matin: d'importantes forces de police et de gendarmerie perquisitionnent son domicile à Artigat, en Ariège, dans le cadre de l'état d'urgence. Le lendemain, il est jugé en comparution immédiate. Verdict: six mois de prison avec sursis pour détention non autorisée d'un fusil de chasse. "Je l'ai utilisé pour tirer les lapins qui mangeaient mes salades", a-t-il affirmé à la barre du tribunal de Foix.
La procureure de la République de Foix, Karline Bouisset, l'a, elle, accusé d'être "le leader de la communauté d'Artigat qui a accueilli les jihadistes Sabri Essid et Fabien Clain". Essid est un intime de Mohamed Merah qui a tué sept personnes en mars 2012 dans la région toulousaine; quant à Clain, sa voix a été identifiée sur la revendication des attentats de Paris et Saint-Denis. Mais une fois de plus, aucun endoctrinement n'a été prouvé.
Olivier Corel est pourtant dès les années 1990 dans le collimateur des renseignements généraux (RG), qui ont noté des allers-venues de jeunes des cités "montant" à Artigat en retraites organisées par leur "guide spirituel", vite surnommé "le cheikh" ou "l'émir blanc".
Le Français d'origine syrienne avait prêché dans ces cités durant "deux ou trois ans" entre 1973, date de son arrivée en France, et 1986-87, quand il s'installe à Artigat, un village ariégeois de 600 habitants. "Pour faire de la poterie", expliquait-il.
En 2009, Corel comparaît devant la justice pour avoir monté une filière de recrutement de jihadistes pour l'Irak. Mais il bénéficie d'un non-lieu.
Peu après le procès, un enquêteur dira sa frustration de "ne pas avoir réussi à l'accrocher malgré son influence indéniable".
Après les attentats de Mohamed Merah, Corel est interpellé mais vite relâché.
Dans un entretien à l'AFP, il confirme avoir reçu début 2012 Abdelkader Merah, le frère de Mohamed. Les deux hommes ont alors récité des versets du coran, selon Corel. Sans plus. Il avait également admis recevoir des jeunes. "Car j'ai la réputation de bien réciter les sourates du coran", disait-il alors, en 2012.
Mais Abdelghani Merah, l'aîné de la fratrie, avait accusé Corel d'avoir été "au courant de tous les faits et gestes de Mohamed" mais aussi de ses "intentions".
En novembre 2014, Corel est de nouveau placé en garde à vue dans l'affaire Merah. Il ressort libre.
"Je n'ai rien à me reprocher", a-t-il assuré la semaine dernière lors de son procès à Foix. "Je ne suis pas un chef, ni un imam, ni rien de tout ça".
- Baba-cool vieillissant ? -
Dans sa ferme aussi rustique qu'isolée, Olivier Corel aimerait bien passer pour un de ces babas-cool vieillissants, dont les 69 ans ont fleuri de poils blancs sa barbe rousse.
Pour nombre de personnes qui ont une connaissance du jihadisme, c'est peut-être le cas.
"Mohamed Merah, il a été radicalisé en prison. Il y a des imams, certes, mais le danger est dans les prisons", croit ainsi Latifa Ibn Ziaten, mère d'Imad, militaire musulman tué par Mohamed Merah. "Merah était un monstre quand il est sorti de prison", dit-elle à l'AFP.
Dominique Bons, dont le fils Nicolas est mort au jihad, doute aussi de l'influence de Corel. "Je n'ai jamais eu de contacts avec des gamins qui se seraient radicalisés par lui. Je l'aurais su si cela avait été le cas", déclare à l'AFP la fondatrice de "Syrien ne bouge, agissons".
Dans les quartiers sensibles de Toulouse, on "n'a jamais entendu dire que certains seraient allés à Artigat, si ce n'est Mohamed Merah et son frère", raconte Frédéric Mercadal, président du club de football des Izards, où a vécu Merah.
"Les puissances salafistes sont dans les quartiers, pas ailleurs. Il n'y a pas besoin d'aller à Artigat", conclut un autre intervenant qui travaille régulièrement dans les cités.
Certes, "on se radicalise toujours par un groupe et à travers une figure charismatique", reconnaît Samir Amghar, auteur de "Le Salafisme aujourd'hui" (Michalon).
Mais "la radicalisation a lieu dans les associations culturelles, sur les terrains de foot, dans les halls des cités", précise Mathieu Guidère, professeur d'islamologie à l'Université Toulouse-Jean Jaurès.
"Amener des jeunes dans des communautés hors des cités, ça se faisait en 2005-07 mais aujourd'hui, il faut être fou furieux pour le faire. C'est trop s'exposer", explique-t-il.